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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/653

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LES MIGRATIONS VÉGÉTALES.

plantes propres aux trois autres archipels que nous venons d’étudier.

Jetons encore un coup d’œil sur quelques îles perdues dans l’immensité de l’Océan-Atlantique. L’île de Sainte-Hélène est à 1,200 milles de l’Afrique, à 1,800 de l’Amérique et à 600 de l’île de l’Ascension, la terre qui en est la plus rapprochée. Sainte-Hélène est un locher volcanique, long de 18 kilomètres, large de 8, qui s’élève brusquement du sein de l’Atlantique. Quand on le découvrit, il y a trois cent soixante ans, il était couvert de forêts qui descendaient dans les ravins jusqu’aux bords de la mer. Actuellement tout est nu, et les végtaux qui s’y trouvent ont été introduits successivement de l’Europe, de l’Amérique, de l’Afrique et de l’Australie. La flore autochthone est confinée sur les sommets du pic Diana, élevé de 810 mètres au-dessus de la mer. Les forêts de Madère furent brûlées par les premiers occupans ; celles de Sainte-Hélène ont disparu sous la dent des chèvres sauvages. Introduites dans l’île en 1513, elles s’y multiplièrent tellement qu’en 1588 le capitaine Cavendish y vit des bandes longues de deux kilomètres. En 1709, quelques forêts existaient enclore, et l’un des arbres qui les composaient, l’ébénier[1], servait à alimenter les fours à chaux. Cependant le gouverneur écrivait aux directeurs de la compagnie des Indes qu’il était nécessaire de détruire les chèvres pour conserver les forêts de bois d’ébène, ce à quoi les directeurs répondirent que les chèvres avaient plus de valeur que le bois d’ébène. En 1810, nouvelles plaintes du gouverneur, affirmant que, si les chèvres étaient détruites, la végétation indigène reparaîtrait de nouveau. Les chèvres furent enfin exterminées ; mais un autre gouverneur, le général Beatson, créa une concurrence formidable à la végétation indigène en introduisant une foule de plantes étrangères à l’île, — des ronces, des genêts, des saules et des peupliers d’Angleterre, des pins d’Écosse, des bruyères du Cap, des arbres d’Australie et des mauvaises herbes d’Amérique. Tous ces végétaux prospérèrent et se multiplièrent prodigieusement. Devant l’invasion étrangère, la flore indigène s’éteignit. Heureusement un botaniste anglais, le docteur Burchell, a séjourné dans l’île de 1805 à 1810 ; son herbier est au musée de Kew. Roxburgh, peu après lui, fit un catalogue des plantes de Sainte-Hélène en distinguant les espèces introduites des espèces autochthones. Réunissant ces documens à ses propres notes, le docteur Hooker a pu reconstituer la flore primitive de Sainte-Hélène. Il trouve que 40 espèces, n’existant nulle part ailleurs, étaient propres à cette île. Parmi elles, on remarque

  1. Melhania melauoxylon.