Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/669

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’énergie patriotique avec laquelle, depuis près de quatre ans, elle s’organise et se continue. Les élections pour le parlement allemand, en février 1867, en ont été le premier épisode. Le duché de Slesvig avait quatre députés à nommer. Partage arbitraire des circonscriptions, candidatures officielles, tout cet appareil électoral ne manqua pas de fleurir, comme on le pense, à l’ombre des baïonnettes étrangères. Dans le premier district, c’était le bailli lui-même que le gouvernement prussien recommandait aux électeurs. Un comité spécial envoyait des lettres ainsi conçues :


« Monsieur, vous recevrez ci-inclus un bulletin de vote au nom de M. Kjær, bailli de Haderslev; on espère que, dans votre propre intérêt comme patenté, vous lui donnerez votre voix le 12 courant.

« Monsieur, le comité vous prie de donner votre voix à M. Kjær, bailli de Haderslev, et d’agir en votre cercle dans l’intérêt de son élection. Il va sans dire que votre empressement à vous conformer à cet avis exercera une heureuse influence sur votre position comme maître d’école et aura pour vous-même des conséquences agréables. »


Intéressantes variétés d’un type bien connu naguère sous un autre climat. — Malgré ces entraves, les deux premières circonscriptions donnèrent deux députés purement danois, MM. Ahlmann et Kryger, et les deux autres deux députés non pas prussiens, mais augustenbourgeois, MM. Baudissin et Francke. Tous les districts du Holstein élurent pareillement des augustenbourgeois et non des prussiens.

Le second moyen de résistance légale, c’est l’infatigable protestation de MM. Ahlmann et Kryger. Nommés en octobre et novembre 1867 membres de la chambre des députés de Berlin, ils refusèrent le serment à la constitution prussienne, ne se considérant pas comme sujets de la Prusse jusqu’à l’entière exécution du traité de Prague; M. de Bismarck, en leur déclarant que nul n’avait droit à réclamer de lui l’exécution du traité, si ce n’était l’Autriche, sa co-contractante, ne les persuada pas. Ils pouvaient répondre en effet, avec l’article 1121 de notre code civil, avec le droit romain impérial, avec la justice et l’équité, que le tiers en faveur duquel deux parties ont stipulé a le droit de profiter, s’il le veut, de la stipulation, et qu’on ne doit pas l’en frustrer. La chambre, en refusant de les admettre, ne fit que rendre nécessaires de nouvelles élections, et les vit revenir par trois fois à Berlin pour protester sans cesse. Au parlement de l’Allemagne du nord, où ils avaient pris place, le serment envers la Prusse n’y étant pas obligatoire, ils avaient émis le vœu que le service militaire ne fût pas exigé du Slesvig septentrional jusqu’à ce que le sort du pays fût réglé conformément au traité ; ils