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LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT.


en refusant à l’état le droit de délivrer des grades, le second indirectement en accordant le même droit à des corporations. C’est là une forme mitigée de la liberté des professions, c’est-à-dire de ce régime où le public s’en fie à lui-même pour discerner la capacité ou l’insuffisance de ses médecins ou de ses hommes de loi. Il se peut qu’un jour, grâce aux progrès des lumières, l’état, en France, renonce à exiger des garanties de ceux qui veulent entrer dans les carrières libérales, et laisse les citoyens s’adresser, pour la défense de leurs intérêts ou le soin de leurs corps, à des personnes dont la capacité n’aurait été soumise à aucune espèce d’épreuves ; mais nous sommes si éloignés d’une pareille éventualité que nous n’avons pas à nous y arrêter.

Parmi les partisans de la liberté limitée de l’enseignement supérieur, les uns, qui nous ont donné la loi du 15 mars 1850, se déclareraient satisfaits, si les principes qu’ils ont fait prévaloir dans les deux autres ordres d’enseignement étaient appliqués à notre enseignement supérieur. La loi de 1850 autorise tous les citoyens qui remplissent certaines conditions d’âge et de capacité à ouvrir des écoles ou des établissemens d’enseignement secondaire ; mais elle a cru devoir réserver à l’état le droit de délivrer les grades. Il suffirait, pour désintéresser les partisans de ce système, de substituer au régime de l’autorisation préalable, auquel est encore soumis l’enseignement supérieur, le régime de la liberté sous certaines garanties et à de certaines conditions. Seulement, dans ce système, l’état conservant le droit d’exiger des garanties, il faut qu’elles soient plus fortes au fur et à mesure que l’on voudra s’élever dans la hiérarchie des divers enseignemens. Les autres, qui sont aujourd’hui en nombre au sénat et à la chambre, où ils prendront la parole, et à Rome, où ils ont envoyé au concile leurs représentans les plus autorisés, forment un parti considérable, avec lequel il faudra nécessairement compter. Ils ont eu l’habileté de trouver une formule et d’y demeurer attachés : ils demandent la liberté comme en Belgique. Ils la demandaient ainsi par l’organe de M. le comte de Montalembert dès l’année 1844 ; ils l’ont redemandée en 1850, ils la veulent encore aujourd’hui. C’est de ce dernier groupe et de cette dernière manière d’entendre la liberté de l’enseignement supérieur que nous allons surtout nous occuper.

II.

La question de la liberté de l’enseignement supérieur est née en Belgique d’un conflit entre le parti catholique et le parti protestant, vers 1825. À cette date, le gouvernement des Pays-Bas décréta