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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/46

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Dès lors il se crut libre de toute obligation envers la Hollande, et rentra le 1er janvier. 1814 à Paris. L’ordre lui fut intimé de la part de l’empereur de s’éloigner à 40 lieues de la capitale, il refusa d’obéir, l’empereur n’insista pas, et lui accorda même peu de temps après une audience. Elle fut froide et contrainte des deux parts. Louis aurait voulu payer de sa personne dans les combats qui allaient se livrer sur le sol de la patrie autour du trône impérial qui croulait ; il essaya de monter à cheval, mais sa santé était tellement affaiblie qu’il ne put supporter cet exercice, et dut se résigner à l’inaction. Le 30 janvier, il suivit l’impératrice à Blois. Il conseillait à Napoléon de faire la paix, même au prix de durs sacrifices : l’empereur, on le sait, ne le voulut pas, et au fait le pouvait-il ? A la rentrée des Bourbons, Louis se réfugia en Suisse, puis à Rome, où l’appelaient ses instincts de piété, développés par le malheur, et l’assurance qu’il avait d’être bien reçu par Pie VII. D’ailleurs il désirait consulter le saint-père sur la possibilité de dissoudre son mariage. C’est de cette ville qu’il assista aux événemens des cent jours, auxquels il n’eut ni l’envie ni le loisir de prendre part. Au bout de quelque temps, il adopta la Toscane pour résidence, et c’est là qu’il passa le reste de ses jours dans une retraite paisible et digne. Elle ne fut troublée que par ses démêlés avec l’ex-reine de Hollande, qui refusait de se séparer de ses enfans, tandis que lui-même les réclamait. Le tribunal de la Seine dut décider, et se prononça en faveur du père ; du reste ces discussions conjugales, continuation de celles que la fatalité d’un mariage imposé avait de bonne heure suscitées entre les deux époux, ne rentrent pas dans le cadre de notre histoire. Il avait consacré ses loisirs depuis 1810 à composer un roman en trois volumes, intitulé d’abord Marie ou les Peines de l’amour, dont une seconde édition parut en 1814 sous le titre de Marie ou les Hollandaises. Ce roman, qui raconte les infortunes et la réunion finale de deux amans hollandais séparés longtemps par des événemens plus étranges les uns que les autres, est mal écrit et sans charme. Le roi Louis n’était ni un écrivain ni un poète, mais il était un peu possédé de la manie d’être l’un et l’autre. Le recueil de Poésies qu’il fit paraître en 1828, une réponse à l’Histoire de Napoléon de Walter Scott, et un Essai sur la versification, où il proposa de rendre la langue française prosodique à la façon du latin, ce qui permettrait de supprimer la rime, ne sont pas de nature à modifier notre jugement. Seuls ses Documens historiques sur la Hollande, qui parurent en 1819, ont pour l’historien une véritable valeur. En général, à part quelques détails qui durent être rectifiés, cet ouvrage fut bien accueilli en Hollande, où l’orangisme, plus que jamais populaire, n’empêchait pas l’opinion de rester sympathique à la personne du roi détrôné. Les Hollandais de distinction