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généralement proches du blanc à cause de la réverbération presque constante de la neige.

Ce n’est pas seulement la couleur des êtres organisés, c’est encore leur forme qui est liée à l’action de la lumière, ou mieux, du climat. La flore et la faune terrestre acquièrent une perfection croissante à mesure qu’on s’avance du pôle à l’équateur. Plus les êtres se rapprochent du maximum de chaleur et de lumière, plus la richesse, le lustre et la beauté leur sont prodigués avec munificence. L’activité et la splendeur de la vie, les formes achevées aussi bien que les parures étincelantes, voilà ce qui distingue les espèces variées et multiples des régions tropicales, et ce qui donne une physionomie si caractéristique à ce monde privilégié. Pure émanation du soleil, cette nature vit sauvage et superbe, contemplant sans malaise, comme l’aigle des Alpes, la source éternelle et sublime qui lui verse la chaleur et l’éclat. Voyez maintenant les environs du pôle ! Quelques broussailles ternes, quelques plantes herbacées et grêles, voilà toute la flore. Les animaux y ont un vêtement pâle, des plumes duveteuses, les insectes des nuances obscures. Tout près sont les dernières limites de la vie… La glace envahit tout. La mer seule nourrit encore quelques acalèphes, quelques zoophytes et autres humbles rudimens d’organisation. Là le soleil est oblique et rare. A l’équateur, il darde sa flamme, il se donne tout entier à l’heureux Éden de sa prédilection !


IV

Il nous reste à marquer les relations de la lumière avec l’être qui la sent le mieux et peut le mieux exprimer ce qu’il en éprouve, avec l’homme lui-même. Le nouveau-né cherche instinctivement le jour, il se tourne du côté où la lumière arrive, et, si l’on gêne alors le mouvement spontané des yeux de l’enfant, le strabisme peut en résulter.

Notre œil est de tous nos organes celui qu’affecte plus particulièrement la lumière. C’est de nos yeux que nous viennent toutes les notions immédiates du monde extérieur et toutes les impressions esthétiques. Or l’excitabilité de notre rétine présente des variations de toute sorte. On a vu des prisonniers enfermés dans d’obscurs cachots acquérir à la longue la faculté d’y voir distinctement. En même temps, leurs yeux deviennent sensibles aux plus légers changemens dans l’intensité de la lumière. En 1766 Lavoisier, à propos de questions mises au concours par l’Académie des Sciences sur l’éclairage de Paris, s’aperçut après quelques tentatives que sa vue manquait de la délicatesse nécessaire pour apprécier les intensités