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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/140

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méprisable. L’insubordination était générale ; elle éclatait dans le clergé, dans la noblesse, dans la bourgeoisie ; on avait comme pris l’habitude de la révolte. Le roi de Navarre, maintenant l’héritier du trône, avait été rebelle à son souverain ; Henri de Guise le devenait à son tour, et cette désobéissance à l’autorité légitime était d’autant plus redoutable qu’elle se couvrait du manteau de la religion. Ainsi que l’observe Palma Cayet, ce qui avait poussé bien des gens à se mettre du parti de l’union, c’était l’espoir d’arriver par une révolution dans l’état à des charges plus élevées, à des emplois plus lucratifs que ceux qu’ils occupaient, tandis qu’antérieurement ce fut aussi dans des vues ambitieuses qu’une foule de gentilshommes embrassèrent le calvinisme. Comme le remarque Saulx-Tavannes, les offices de justice et de finances s’étant multipliés, chacun en voulait obtenir. Les besoins s’étaient singulièrement accrus par le développement du bien-être et du luxe, qui n’avait pas fait moins de progrès chez les classes bourgeoises que chez la noblesse, et, quoique en apparence le zèle religieux n’eût jamais été plus ardent, le sens moral s’était visiblement oblitéré. Les mœurs étaient dépravées chez les grands, le fanatisme les pervertissait chez les petits. Des instincts cruels et grossiers s’associaient chez les premiers à un raffinement de vie, une élégance de manières, une recherche de costume, une culture de l’esprit, qui cachaient une effrayante perversité. Chez les seconds, l’ignorance, la crédulité et les appétits brutaux annulaient les bons sentimens et les vertus chrétiennes. Dans l’état d’appauvrissement et de troubles où se trouvait le pays, les moyens réguliers de parvenir étant difficiles, on ne se fit plus scrupule de recourir à des voies coupables, et les plus impatiens et les moins retenus comptaient arriver à la fortune par les bouleversemens et la ruine de l’état.

Paris était le grand foyer de ces passions avides, haineuses et désordonnées, qui poursuivaient leur satisfaction dans les malheurs publics. La ligue trouvait là son centre d’action, parce que la population montrait un attachement éprouvé pour la religion catholique et témoignait une aversion excessive de l’hérésie. Les Guises y avaient été toujours fort populaires. Une notable partie des habitans avait naguère applaudi à la Saint-Barthélémy, avait même été de complicité dans le massacre. Dès qu’Henri III sembla se rapprocher des huguenots, l’opinion se tourna dans Paris de plus en plus contre lui. Les prodigalités du roi et de ses mignons, les insolences et les concussions de ses favoris, indisposaient les bourgeois. La haute magistrature condamnait les procédés d’un prince qui prétendait gouverner tout en ne s’occupant guère que de ses plaisirs. L’hostilité était encore plus marquée chez le clergé inférieur, révolté à la fois des désordres dont la cour donnait l’exemple et des