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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/155

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chercher le duc de Guise à Soissons, fut élu procureur de la ville. La domination du conseil de l’union dans le corps de ville était ainsi assurée. Messieurs de la ville, comme s’intitulèrent les membres du bureau, prirent la direction des affaires. On procéda ensuite au choix des nouveaux fonctionnaires municipaux, afin d’avoir des instrumens plus dociles aux volontés des seize. On déposa les quarteniers, les cinquanteniers et les dizainiers, suspects parce qu’ils étaient gens de robe longue ou officiers du roi, et on mit en leur place de petits marchands et, comme dit L’Estoile, un tas de faquins ligueurs. L’état-major de la milice fut pareillement renouvelé ; on tenait à écarter la plupart des colonels qu’Henri III avait nommés en 1585. On fit procéder à l’élection de nouveaux capitaines ; mais ceux qui furent choisis étaient, nous rapporte Palma Gayet, si indignes que le menu peuple les méprisait et les appelait par dérision capitaines de la morue, capitaines de l’aloyau, selon le métier dont ils étaient. La reine-mère vit avec un vif déplaisir ces élections, qui allaient placer toute la milice bourgeoise sous la main des seize ; elle fit de vains efforts pour les empêcher. C’est à cette milice qu’on remit presque tout le service de la police, auparavant dévolu au prévôt de Paris et à ses sergens. Pour être sûr de conserver la grande citadelle qui commandait la ville, le château de la Bastille, le corps municipal en subordonna le gouverneur au prévôt des marchands. On mit en état l’artillerie des remparts, qui avait à sa tête un maître des œuvres à la nomination du bureau de la ville.

Malgré le pouvoir qu’ils avaient usurpé, les seize trouvaient encore en face d’eux une autorité redoutable, le parlement. Le duc de Guise avait essayé d’arracher à cette cour la ratification des élections révolutionnaires, il s’était rendu au palais avec le cardinal de Bourbon, le cardinal de Vendôme, neveu de celui-ci, et le duc d’Elbeuf ; mais, intimidé par l’auguste assemblée, il ne put articuler que quelques paroles embarrassées. Le premier président, Achille de Harlai, lui avait répondu d’un ton digne, en le conjurant de ne pas écouter ceux qui lui offraient de vaines grandeurs, dont la poursuite ne pouvait le mener qu’à sa ruine. « Pour ceste compagnie, dit en terminant l’illustre magistrat, elle est assise sur les fleurs de lys, et, estant établie par le roy, elle ne peut respirer que pour son service ; nous perdrons trestous plustost la vie que de fléchir à rien de contraire. » On renonça donc pour le moment à rien exiger du parlement ; les seize se bornèrent à placer à la tête du Châtelet, comme lieutenant civil, La Bruyère fils, à chasser de Paris le prévôt de l’hôtel Rapin et à instituer lieutenant criminel de robe courte La Morlière. Le parlement songeait à quitter Paris, et il dépêcha près d’Henri III, alors à Chartres, pour savoir ce qu’il avait à faire. Le roi lui ordonna de demeurer et de reprendre l’exercice