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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/158

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ligueurs. La nouvelle de la mort d’Henri de Guise et de son frère fut apportée dans la capitale la veille de Noël ; elle fut reçue par le conseil de l’union et le bureau de la ville, qui s’assembla immédiatement avec une sorte de stupeur qui fit bientôt place à la rage. Les catholiques ardens jugèrent qu’ils n’avaient plus aucun ménagement à garder envers un prince assassin et parjure. Le conseil envoya chercher le duc d’Aumale, alors en retraite aux Chartreux, à l’occasion des fêtes de Noël ; on le pressa d’accepter la charge de gouverneur de la ville en attendant l’arrivée du duc de Mayenne, que l’on devait mander en toute hâte de son gouvernement. Le bureau de la ville, qui en l’absence du prévôt des marchands et de deux échevins n’avait plus à sa tête que les échevins Roland et Desprez et le procureur Brigard, appela sous les armes la milice bourgeoise, et posa des corps de garde aux portes, dans les carrefours et sur les points principaux. Toute la nuit fut employée par ces magistrats et par les seize à écrire, de concert avec le duc d’Aumale, aux bonnes villes et aux grands du parti. Le crime fut solennellement dénoncé au peuple, chez lequel le bruit s’en était déjà répandu, par les prédicateurs, qui avaient reçu le mot d’ordre du conseil de l’union ; ils dépassèrent en violences tout ce qu’ils avaient encore dit. Le choix du duc d’Aumale fut ratifié à l’Hôtel de Ville dans une assemblée tumultueuse où le bureau ne put même pas délibérer, car la populace fit irruption dans la salle afin d’imposer le choix que les meneurs avaient soufflé. A une seconde réunion, qui ne fut guère moins agitée, on désigna des substituts provisoires aux magistrats absens que le roi retenait prisonniers à Blois. L’avocat Drouart, le marchand Debordeaux et le procureur Crucé enlevèrent les suffrages.

Paris venait d’accomplir une nouvelle révolution. Une véritable commune était installée ; il fut décidé dans la seconde assemblée que les arrêts, ordonnances et statuts seraient publiés à l’avenir non plus au nom du roi, mais en celui du duc d’Aumale, du prévôt des marchands et des échevins. Les corporations de marchands et d’artisans virent avec satisfaction placée à la tête de la ville une magistrature qui les représentait plus spécialement, et qu’y exerceraient leurs élus. D’ailleurs ces corporations étaient depuis la journée des barricades l’objet des attentions des seize. Comptant sur leur appui, ils en avaient favorisé le développement ; le nombre des confréries avait été en quelques mois plus que triplé. Le gouvernement d’Henri III au contraire, qui comprenait le danger que pouvaient faire courir à l’état ces associations, cadres tout préparés pour des complots, avait cherché à en restreindre le nombre. L’ordonnance de Moulins de 1566, rédigée par L’Hôpital, apporta les premières restrictions au droit de réunion qu’entraînait l’existence