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leur fît remise de dettes qu’il leur était impossible d’acquitter. Les seize savaient fort bien que le nombre de leurs adhérens déclinait tous les jours. Tantôt ils redoublaient leurs menaces et leurs excitations ; tantôt ils protestaient de leurs sentimens de bons catholiques et d’hommes de bien. Quand les placards anonymes qu’ils avaient fait répandre, au lieu de provoquer une nouvelle effervescence des passions populaires, n’avaient inspiré que le dégoût et l’indignation, ils désavouaient ces affiches incendiaires et en accusaient les manœuvres de leurs ennemis. Les élections pour les états-généraux donnèrent la mesure du revirement de l’opinion. Au printemps de 1591, alors qu’il s’agissait de réunir les états à Reims, les cahiers rédigés à l’Hôtel de Ville avaient été de la plus grande violence, et le choix des députés déplorable. Presque aucun gentilhomme ne s’était présenté à l’assemblée de la noblesse, et les seize avaient fait passer tous leurs candidats ; mais le 16 janvier 1593 il n’en fut pas de même. Si le clergé continua à élire des fanatiques tels que Boucher, Genebrard et Cueilly, les politiques l’emportèrent dans les choix du tiers, et l’un des élus était l’avocat L. d’Orléans, devenu aussi implacable ennemi des exaltés qu’il avait été dans le principe ardent ligueur.

Les états-généraux réunis à Paris, en mettant dans toute leur nudité l’impuissance des partis et l’astuce des prétendans, donnèrent le coup de grâce à la ligue, au lieu de la sauver. Le ridicule, qui en France tue plus une cause que les bonnes raisons, enleva toute autorité et tout prestige à cette assemblée. Elle finit misérablement. La Satire Ménippée et les pasquils qu’on faisait courir sur les états avaient plus d’action que les violences, les grossièretés surannées des prédicateurs, qui n’étaient plus prises au sérieux. Tous les efforts que tentaient les zélés pour réchauffer et comme galvaniser la ligue agonisante restaient sans efficacité. Fêtes de la journée des barricades avec panégyrique en son honneur, processions à grands renforts de reliques pour demander à Dieu le succès de la ligue, n’étaient plus aux yeux de la population que des mascarades. Henri IV, en abjurant le protestantisme, leva les derniers obstacles qui s’opposaient à ce que Paris l’acceptât pour son roi. Du moment que le Béarnais eut manifesté son intention de se faire instruire dans la foi catholique, les désertions se comptèrent par milliers dans les rangs de la ligue. Les seize et leurs orateurs ne se tenaient plus de rage, et publiaient que, catholique ou non, le chien de Béarnais ne devait jamais être accepté pour roi. On ne se déclarait pas moins ouvertement et sans crainte pour Henri IV ; on exposait ses portraits dans les rues, on écrivait hautement en sa faveur. Plusieurs prédicateurs, en présence de ce mouvement d’opinion, renoncèrent à leurs