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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/199

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I

La Vénus de Milo, dans le caveau de l’ancienne Mélos, où elle fut trouvée en 1820 par un paysan, était divisée en deux grands morceaux. Il y avait de plus des fragmens qui en avaient été détachés, sans parler du nœud de cheveux derrière la tête, qui en fut séparé dans le transport du caveau au bâtiment turc, mais qu’on remit aussitôt en sa place. Elle arrivait ainsi au Louvre. M. de Clarac, alors conservateur du Musée des Antiques, publia peu après la description suivante : « La statue était divisée en deux morceaux principaux qui, bien aplanis sur les faces qui se touchent, étaient réunis autrefois par un fort tenon, et dont le joint, la partageant horizontalement vers le milieu du corps, est à 2 pouces sur la droite et à 5 sur la gauche, au-dessous du commencement de la masse des plis qui enveloppent la ceinture (lisez : les hanches). C’est à ces deux grandes divisions qu’il convient de rapporter les fragmens qui en faisaient partie. »

Les deux pièces principales ayant les surfaces de jonction régulières et planes, on ne peut supposer que ce soient les fragmens d’une statue d’abord faite d’un seul bloc, puis brisée en deux par accident. A s’en tenir aux termes de la description, il ne serait pas également impossible de croire qu’elle aurait été sciée en deux, peut-être en vue d’en faciliter le transport. Cependant, si l’on examine les surfaces de jonction, on voit qu’elles n’ont pas été séparées par la scie, mais qu’elles ont été travaillées à la gradine et au ciseau pour être appliquées l’une sur l’autre. En effet, on a taillé les parties centrales à la gradine, c’est-à-dire assez grossièrement, et un peu en creux relativement aux bords ; on a travaillé ces bords plus finement au ciseau, afin que le joint fût aussi juste que possible. Il est donc incontestable que la Vénus de Milo est faite de deux blocs, d’abord séparés, puis réunis.

On a des exemples nombreux de statues antiques offrant des pièces de rapport de la même époque que tout le reste ; mais ce sont en général des pièces placées à quelque extrémité où le marbre se trouvait faire défaut. On citerait, à côté de la Vénus de Milo, bien peu d’exemples de statues de quelque importance taillées dans un marbre de choix et qui aient été faites de deux blocs presque égaux. On a peine à comprendre que dans un pays où le marbre, et particulièrement le marbre de Paros, dont la Vénus de Milo est faite, se trouve aisément en blocs de grandes dimensions, un artiste tel que fut l’auteur de cette statue n’ait pas pris la peine ou n’ait pas