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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/201

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d’une manière qui met en péril la solidité du monument, qui en modifie le caractère et en diminue la beauté.

Les tenons reliant les deux blocs avaient été placés à l’intérieur du corps, à droite et à gauche de son centre et près des deux hanches. Soit par l’oxydation du fer, soit par l’effet de quelque secousse violente, ils ont déterminé deux ruptures. De là ces fragmens qu’il a fallu rapporter aux deux pièces principales. Lorsqu’on s’occupa, dans le laboratoire du musée, de l’assemblage des morceaux de la Vénus, une de ces pièces appartenant à la hanche gauche ne fut pas exactement remise en place ; elle fut scellée de telle manière qu’on ne pouvait, sans risque d’une nouvelle rupture, appliquer l’une sur l’autre les deux moitiés de la statue. Au lieu de recommencer l’assemblage, on prit alors le parti d’interposer entre ces deux moitiés des cales, consistant en deux tringles de bois, qui devaient empêcher du côté gauche le contact immédiat. De la sorte, la moitié supérieure de la statue se trouve haussée par derrière et à gauche d’environ un demi-centimètre ; elle rejoint le bloc inférieur à droite et en avant. Il en résulte que le haut du corps et la tête penchent en avant et à droite. Par suite de cette déviation, le centre de gravité du torse ne se trouve plus dans un équilibre bien stable, et un ébranlement pourrait occasionner une chute. Il faut dire aussi que le corps, ainsi allongé d’un côté, n’ayant plus tout à fait les proportions ni le mouvement qu’il devrait avoir, il ne se peut pas que la beauté de toute la figure n’en soit altérée.

Ce n’est pas tout. M. de Clarac dit que le joint des deux moitiés de la statue la partage horizontalement. Cependant ce joint n’est nullement horizontal. Non-seulement la moitié supérieure de la statue est inclinée vers l’inférieure, mais le plan supérieur de celle-ci penche déjà dans le même sens : il est plus élevé de près de 4 centimètres par derrière et à gauche que par devant et à droite, et il forme avec l’horizon un angle d’environ 6 degrés.

Avant de superposer les deux blocs, il aurait fallu pourtant, ce semble, ne fût-ce que pour assurer la stabilité du bloc supérieur, rendre horizontal le dessus de l’inférieur. Il est difficile d’admettre que le créateur de la Vénus de Milo, si elle a été créée de deux blocs, ou même celui qui en a pu refaire la partie inférieure ait négligé cette précaution. On peut au contraire affirmer que celui qui a primitivement assemblé les deux blocs a voulu que le bloc inférieur fût par son dessus le support exactement horizontal du bloc supérieur. Si cela est vrai, pour que la Vénus de Milo soit, quant à son attitude, telle qu’elle fut originairement, il la faut redresser de droite et d’avant en arrière et à gauche, jusqu’à ce que le joint des deux blocs redevienne horizontal. Dans l’état actuel du monument, le