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particuliers, elle n’a pas de forêts communales. Les exceptions sont insignifiantes à part une seule, celle des Pyrénées : dans les Pyrénées, la Montagne-Noire et les Landes, il se trouve environ 200,000 hectares de bois communaux ; ce n’est pas même la dixième partie de la masse, qui est rejetée tout entière à l’est du méridien de Paris, limite pour ainsi dire mathématique du domaine forestier des communes. Ce fait a sans doute des causes tenant à notre histoire plus encore qu’à la situation, car, tout en remarquant que les forêts communales se trouvent confinées loin du littoral de l’Atlantique et dans la partie montagneuse de notre pays, on ne peut s’empêcher de constater que c’est surtout dans la vieille France qu’elles font défaut. Les plus riches de beaucoup sont d’ailleurs celles des provinces les plus récemment acquises, la Bourgogne, la Franche-Comté, la Lorraine. Quoi qu’il en soit de l’histoire de ces forêts, obscure encore comme celle des biens communaux en général et celle des communes elles-mêmes, le plus grand nombre en est soumis au régime du taillis, et restera indéfiniment traité en taillis sous futaie. Une bonne moitié de ces forêts, 1 million d’hectares peut-être, est apte à produire des chênes de belles dimensions. Si, comme le prescrit l’ordonnance réglementaire du code forestier, la réserve de tous les sujets capables de prospérer jusqu’à la révolution suivante vient à y être mise en pratique d’une manière suivie, quelle quantité de bois d’œuvre est-il possible d’en attendre ? Il est certain qu’on peut réserver lors de chaque exploitation quelques chênes en plus qu’on ne l’a fait en général depuis cinquante ans. Que ce soit par exemple sur chaque hectare cinq arbres âgés au moins d’une centaine d’années, de ceux qu’on appelle des anciens, on disposerait dans vingt-cinq ans de 500,000 mètres cubes de gros bois d’œuvre de chêne en excédant sur la production annuelle ; mais pour réaliser dans vingt-cinq ans cet excédant annuel d’une valeur approximative de 25 millions de francs, il faut d’ici là consentir à une épargne également annuelle de 12 millions[1]. Veut-on consentir à cette épargne, dont la valeur serait ainsi doublée, peut-être triplée ou quadruplée par suite de l’accroissement des prix d’ici à vingt-cinq ans ? Là est toute la question.

Il faut un siècle et demi, parfois plus encore, pour produire un chêne et l’amener à maturité ; c’est là un fait qu’on oublie trop

  1. Voici comment on peut établir ces chiffres : sur 1 million d’hectares de forêts exploitées à la révolution de vingt-cinq ans, la coupe annuelle comprend 40,000 hectares. Épargne faite : par hectare, 5 chênes mesurant en moyenne 0m,55 de diamètre et 8 mètres de hauteur en bois d’œuvre, cubant chacun 1mc,500, au total 200,000 arbres, donc 300,000 mètres cubes, et, à 40 francs l’un, 12 millions de francs. Excédant disponible dans vingt-cinq ans : par hectare, 5 chênes mesurant en moyenne 0m,70 de diamètre et 8 mètres de hauteur en bois d’œuvre, cubant chacun 2mc,500, au total 200,000 arbres, donc 500,000 mètres cubes, et, à 50 francs l’un, 25 millions de francs.