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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/367

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chaque hectare d’une futaie, vers l’âge de cent cinquante ans, cinquante chênes de 0m,80 de diamètre à la base et 12 ou 14 mètres de hauteur de fût. Cependant ces cinquante fûts ne représenteraient guère que 200 ou 250 mètres cubes de bois d’œuvre, et, pour peu qu’ils aient des parties viciées, on voit que la production du chêne sain et de fortes dimensions serait à peine de 1 mètre cube l/2 par hectare et par an. On obtient en outre, il est vrai, 3 ou 4 mètres cubes d’autres produits, tels que branchages, chênes de plus faibles dimensions et surtout bois d’autres essences mélangées au chêne. L’étendue de terrain nécessaire à la production de premier choix est donc très considérable, et cependant c’est la moindre difficulté que rencontre ce genre de culture. La preuve, nous l’avons dans l’étendue des forêts qui nous restent encore, 8 millions d’hectares que l’on défriche peu, dont une moitié pourrait produire de beaux chênes, et qui, loin d’en fournir 6 millions de mètres cubes, n’en donne probablement pas même la dixième partie. La production des gros bois exige en second lieu un fort capital. Le taux de cette production peut descendre en effet à 3, à 2 pour 100, et plus bas encore, quand les bois approchent de la maturité. Dans le cas où le taux n’est plus que de 2 pour 100, les valeurs employées à produire celle d’un mètre cube de bois sont égales à cinquante fois la valeur de ce même mètre cube. Néanmoins, comme on sait que ce placement a lieu à intérêts composés, pour de longues années, de la manière la plus sûre et en valeurs qui gagnent toujours, on est forcé de reconnaître que c’est en fin de compte un des meilleurs placemens possibles. D’où vient donc, quand la propriété foncière en général trouve tant d’amateurs qui y placent leurs capitaux à 3 pour 100, que les propriétaires de forêts consentent si rarement à laisser fonctionner la valeur des arbres sur pied seulement jusqu’à ce même taux ? Cela résulte du temps nécessaire au développement des futaies. Quel compte faire en effet du meilleur des placemens, si l’on ne peut espérer vivre encore à l’échéance ? Or il faut toujours compter par vingt-cinq ou trente années au moins quand on est en présence d’un chêne à conserver. C’est là pour les simples particuliers la cause première et fondamentale de l’exploitation prématurée des bois d’œuvre. Pour l’homme isolé, l’avenir, c’est le lendemain. Il est trop éphémère pour que son propre intérêt l’amène à cultiver suivant les lois naturelles le chêne, dont la durée est cinq fois plus grande que sa vie.

C’est donc seulement aux êtres impérissables, aux communes et à l’état, que sont naturellement dévolus la culture des gros bois d’œuvre et les principaux avantages de la propriété forestière. Les communes et les établissement publics possèdent encore en France