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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/369

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ne rapportent guère que 1,000 francs par hectare tous les vingt-cinq ans, et qui donneraient régulièrement de 2,000 à 3,000 fr., si l’on voulait bien à chaque exploitation conserver tous les chênes modernes, tous les anciens surtout, et plus encore les « vieilles écorces » capables de prospérer pendant une révolution ! C’est, dit-on, placer à 3, à 2, à 11/2 pour 100 ; mais est-ce bien ainsi que tant de communes ont placé, il y a vingt-cinq ou trente ans, en conservant dans leurs taillis sous futaie des chênes anciens ou de vieilles écorces, quand la valeur du mètre cube de gros chêne, qui alors était de 30 francs, est de 50 aujourd’hui ? Par le fait, le placement n’a-t-il pas été réalisé à 4, à 5, ou plus encore ? Dans l’avenir, il sera soutenu de même par l’accroissement des prix ; n’aurait-il lieu d’ailleurs qu’au taux le plus faible, il serait encore excellent pour la commune par cela même qu’il est pour elle à peu près le seul placement possible qui soit parfaitement assuré ; mais, pour que la commune obtienne de sa forêt un grand revenu[1], il faut qu’elle sache et qu’elle puisse attendre la maturité des produits. Grâce à la tutelle de l’état et à l’administration chargée de la gestion des forêts, les communes sont éclairées sur leur intérêt réel et permanent ; elles connaissent et connaîtront mieux de jour en jour la condition première de l’exploitation de leurs bois. Pourront-elles et voudront-elles néanmoins attendre les revenus naturels en sachant se contenter d’un usufruit restreint, dont il est si facile d’exagérer la jouissance en entamant le capital ? On ne peut guère l’espérer. Pressée sans cesse d’exécuter des travaux urgens, la génération actuelle ne saura que rarement s’arrêter à la juste limite de son droit, plus rarement encore s’imposer en vue de l’avenir une privation fructueuse. La commune ne voit point dans l’épargne son intérêt direct, comme le particulier qui économise pour lui-même ou pour ses propres enfans ; elle veut jouir prématurément du fonds commun sans crainte de l’épuiser. Les exemples de ce fait ne sont que trop nombreux. Les pâturages communaux des Alpes, les bois en broussailles des communes du midi, surmenés par les abus de jouissance jusqu’à la ruine même du sol, contrastent en maintes localités d’une manière frappante avec les pâturages et les bois

  1. Dans les montagnes, telle commune ne peut tirer que de sa propre forêt ce qui est nécessaire à ses besoins en bois de feu, en bois de construction, en bois de travail. En effet, on descend facilement ces bols, tandis qu’on ne les remonte guère, et seule la forêt voisine qui domine le village est apte à les fournir. Alors c’est non plus un revenu que la commune attend de sa forêt, mais une utilité immédiate résultant de l’emploi direct des produits. Ce cas n’est pas rare, cependant il est à peu près limité maintenant aux hautes régions. Par suite du développement des voies de communication, de la facilité des échanges et du prix élevé des gros bois, la plupart des communes vendent aujourd’hui leurs coupes de bois pour se procurer un revenu qui devient bientôt l’objet principal des exploitations forestières.