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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/400

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quelque importance. Ce que nous y avons désigné par les mots d’intérêts français n’a été que des intérêts suisses et même allemands. A Hong-kong, c’est un Suisse qui a visé mon passeport. En revanche, on trouve ici une succursale du Comptoir d’escompte de Paris, une agence des bateaux à vapeur des Messageries françaises et un consul. Les deux établissemens tiennent très bien leur rang, le premier à côté des banques anglaises, le second côte à côte avec la célèbre compagnie de navigation anglaise l’Orientale et péninsulaire. Lorsque à Shang-haï éclata le contre-coup de la crise cotonnière, beaucoup de banques anglaises, américaines, un nombre infini de maisons de commerce des deux nations, firent d’effroyables banqueroutes ; presque seul, le Comptoir d’escompte français offrit un exemple de solidité qui l’a placé de plain-pied au premier rang des institutions financières dans l’extrême Orient. Quand ces désastres commerciaux eurent lieu, la confiance des riches Chinois dans la bonne foi des comptoirs anglo-américains était illimitée : les Chinois leur faisaient des crédits dont nous n’avons aucune idée en Europe ; depuis ces jours néfastes, la méfiance a remplacé les avances sans garanties. Il en sera longtemps ainsi, car le céleste, de même que le Juif, ne revient pas aisément vers celui qui a lésé ses intérêts. Il est vraiment dommage qu’il n’y ait pas ici un plus grand nombre de maisons françaises pour profiter du crédit qui leur serait accordé par notre heureux comptoir. A qui la faute ? A notre manque d’initiative, à notre crainte exagérée de passer les mers, à l’insuffisance de plusieurs de nos agens consulaires[1]. C’est à peine si ces fonctionnaires daignent répondre aux malheureux qui s’adressent à eux ; s’ils le font, c’est pour déclarer qu’ils sont agens diplomatiques et non commerciaux ; ce titre leur paraît probablement peu honorable ou du moins dénué de prestige. Tout au contraire, les Anglais en sont fiers. Le jour où le commerce voudra être bien renseigné, recevoir de nos consuls à l’étranger des données commerciales comme celles que les consuls anglais envoient au board-trade d’Angleterre, il n’aura qu’à demander, à côté des postes diplomatiques, l’établissement d’agences commerciales. L’obtiendra-t-on jamais ? Quelques mois après ma rentrée en France, le hasard me conduisit à une séance du corps législatif ; c’était le jour où l’honorable député d’une de nos villes maritimes interpellait à ce sujet un de nos ministres des affaires étrangères. « Je reçois de plusieurs commettans, disait le député,

  1. Ce n’est pourtant pas à celui d’entre eux qui fut un de nos premiers consuls à Shang-haï, M. de Montigny, qu’il faudrait adresser ce dernier reproche. Les souvenirs qu’il a laissés de son zèle pour y attirer les Français, ses efforts pour faire de ce port une possession française, sont encore présens à la mémoire des anciens résidens.