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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/435

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prononcé le mot de capitulation. Il fallait que le soldat se résignât à son tour.

Enfin le jour fatal arriva ; le 26 octobre au soir, le général Jarras reçut l’ordre d’entrer en conférence au château de Frescaty avec le général Stiehle, chef d’état-major de la deuxième armée prussienne. Au point où l’on en était arrivé, il ne s’agissait plus d’obtenir, comme l’avait cru et annoncé le commandant en chef, la libre sortie de l’armée et sa neutralisation sur un point du territoire, la discussion se renferma naturellement dans le cercle le plus étroit. Nos implacables ennemis connaissaient tous leurs avantages et toute notre impuissance. Ils demandèrent tout et n’accordèrent presque rien. En définitive, le seul adoucissement qu’on put obtenir fut la liberté laissée aux officiers de porter leur épée. Sur les instances des négociateurs français, les honneurs de la guerre avaient été promis par le général Stiehle dans la soirée du 26 ; cette concession fut retirée le lendemain, dit le lieutenant-colonel Fay, par la faute et sur l’ordre du commandant en chef français. L’armée ne garda même pas ses drapeaux, qu’on demanda le 28 au soir aux généraux de division, sous prétexte de les brûler à l’arsenal, en réalité pour les remettre à l’ennemi dans la journée du 29. Elle livra en même temps à ses vainqueurs près de 500 pièces de campagne, 150,000 fusils, plus de 13,000 chevaux. Le maréchal Bazaine, dans ses adieux à ses soldats, rappelle imprudemment les noms de Masséna, de Kléber et de Gouvion Saint-Cyr. On a dit autrefois ici même ce qu’il fallait penser de cette ambitieuse comparaison[1]. Les soldats de la république et du premier empire épuisaient avant de négocier toutes les formes de la résistance, livraient des combats, subissaient des assauts : on ne les a jamais vus capituler sur notre territoire, consentir à rendre leurs armes, causer la perte d’une place française ; leurs noms sans tache ne rappellent à la France. aucun souvenir douloureux.


III

La malheureuse cité de Metz partageait en effet le sort de cette armée qui devait, disait-on, servir à la défendre, qui la perdit au contraire en restant sous ses murs. Ses puissantes fortifications, son imprenable enceinte, ses cinq forts, les 643 pièces de canon qui les armaient, l’immense matériel de guerre que le génie et l’artillerie y accumulaient depuis 1815, toutes les munitions, tout ce que contenaient les arsenaux, tout ce qui appartenait à l’état tombait

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1870.