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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/447

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passionnés le sommaient, au nom de l’intérêt public, de provoquer l’armée à la révolte ; il y eut même un projet de conspiration militaire et civile, la garde nationale devait s’emparer des portes de la cité pendant que des officiers de l’armée marcheraient sur le Ban-Saint-Martin. On espérait le concours de plusieurs généraux ; mais les liens de la discipline furent plus forts que l’indignation : au moment décisif, aucun officier-général ne consentit à diriger le mouvement.

La nouvelle de la capitulation, à laquelle le conseil municipal voulut rester étranger, dont il laissa tout le poids à l’autorité militaire, fut accueillie dans la ville par une explosion de désespoir. Les habitans de Metz ne pouvaient se résigner à leur malheur, beaucoup voulaient résister encore ; des gardes nationaux en armes franchissaient les portes pour se jeter à travers les lignes ennemies ; des clameurs bruyantes, des coups de feu retentissaient dans les rues ; la vieille cloche de la cathédrale était mise en branle, le tocsin sonnait, des groupes menaçans se portaient vers l’hôtel du commandant supérieur, gardé par des piquets de soldats d’infanterie. « Il semblait, dit M. Prost, l’historien le plus véridique des derniers jours de Metz, qu’on essayât de vivre encore au moment où on allait mourir. » Hélas ! tout était bien fini. Tant d’élémens de succès, tant de forces vives, un courage si brillant chez les soldats, une énergie si patriotique chez les citoyens, des fortifications si puissantes, tout ce qui deux mois auparavant eût inspiré aux esprits les moins confians le plus légitime espoir n’apparaissait plus aujourd’hui que comme un souvenir douloureux, comme une source d’éternels regrets. Par la faute de quelques hommes, une grande armée, prête à tous les sacrifices, capable des efforts les plus héroïques, avait été réduite à mourir de faim ou à se rendre. Une cité imprenable, jusque-là invaincue, le meilleur boulevard de la France, tombait entre les mains de l’Allemagne sans qu’un seul boulet allemand eût touché ses remparts. Pour la première fois, l’étranger allait pénétrer dans cette enceinte respectée par toutes les invasions. Il n’y devait trouver, il n’y trouve encore aujourd’hui qu’une population en deuil. Le crêpe noir dont des mains patriotiques avaient enveloppé la statue de Fabert à l’approche des Prussiens restera l’emblème de Metz tant que Metz ne sera pas rentré dans le sein de la patrie. Elle méritait pourtant un autre sort, la noble cité qui a fourni tant d’hommes de guerre à la France, où se sont formés tous nos officiers des armes savantes, qui venait de resserrer encore ses liens avec l’armée en partageant les souffrances, en offrant de partager les périls du soldat, en recueillant dans ses soixante-cinq ambulances près de 22,000 blessés ou malades, aussitôt secourus par le zèle des