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qu’il avance dans la hiérarchie, des épreuves qui constatent les connaissances acquises, en quelque sorte la pratique du métier. Dans ce second cas, les épreuves ne peuvent être que faciles ; dans le premier, l’avancement est livré à toutes les incertitudes de la chance et de la faveur. Doit-on s’étonner alors, étant connu que l’instruction des surnuméraires ne peut être que médiocre, d’apprendre qu’il y a dans les hauts grades des administrations publiques tel ou tel fonctionnaire pour lequel l’orthographe a des mystères impénétrables et l’arithmétique des problèmes insolubles ?

Dans toute administration, de même que dans toute autre carrière, il y a l’ouvrier et le patron, le manœuvre et l’ingénieur, le soldat et l’officier. Dans toute administration, il y a deux catégories d’individus, quelquefois davantage, et, pour passer de la catégorie inférieure à la plus élevée, ce n’est pas assez d’avoir l’instruction technique. Ceci n’est guère contesté ; mais où je m’éloignerai probablement de l’opinion commune, c’est en avançant que les preuves de capacité nécessaires pour arriver en haut de l’échelle doivent consister en une culture générale de l’esprit plutôt qu’en des connaissances spéciales. Le plus vieux des employés d’un bureau, s’il est en même temps le plus appliqué et le plus assidu, n’est pas qualifié par là pour commander aux autres ; il en sera réellement incapable, s’il ne possède pas en même temps l’éducation et l’ampleur d’intelligence qui rendent un homme supérieur à ses semblables. Si l’âge et l’ancienneté des services ne sont pas un titre valable, si nous dédaignons les épreuves techniques, qui sont des garanties insuffisantes, si nous repoussons surtout le choix plus ou moins contrôlé que fait un chef d’administration trop accessible aux préventions et à la faveur, quel mode d’appréciation nous restera-t-il ? Un seul, qui est un gage de capacité plus sérieux que tous les autres, c’est l’éducation elle-même, ou plutôt ce qui est la preuve palpable et évidente d’une certaine dose de culture intellectuelle, les diplômes universitaires, ceux que délivrent les grandes écoles publiques. Il convient toutefois de ne pas être trop absolu, car le mérite d’un homme laborieux se révèle parfois fort tard, à l’âge où l’esprit n’a plus la souplesse de se plier aux programmes d’examen. Il y a dans ceci une question de mesure qu’il n’est pas, après tout, bien difficile de résoudre d’une façon satisfaisante, car l’important est qu’une règle sage et immuable préside à l’avancement hiérarchique.

Il est assez remarquable toutefois que le principe des examens, comme épreuve d’admission dans les carrières publiques, n’a été introduit en Angleterre que depuis quelques années, et que beaucoup de gens y condamnent encore ce principe. L’Angleterre a peu de