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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/456

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au bien du service. Comment en effet se résoudre à priver de ses droits à la retraite un homme de cinquante ans et plus à qui la caisse commune a réclamé depuis trente ans 5 pour 100 de ses appointemens ? Ce n’est pas tout. La pension de retraite n’est acquise qu’à l’âge de soixante ans, sauf un petit nombre d’exceptions ; celui qui se retire ou meurt à cinquante-neuf ans est frustré de ses droits. Le chiffre de la pension n’est pas seulement déterminé, comme cela devrait être, par le temps de service et par le total des mises. Il y a un maximum, il y a un minimum. Les uns y perdent et d’autres en profitent. Enfin, — et ce n’est pas le moindre tort de cette institution mal établie, — toutes les rentes servies par la caisse des retraites sont viagères, sauf réversion d’une faible part au profit de la veuve survivante. Or, personne ne l’ignore plus, les pensions viagères sont une forme fâcheuse des assurances sur la vie ; de la part d’un père de famille, mettre une partie de son bien en viager est un acte d’égoïsme répréhensible. Voilà pourtant ce qu’exige la loi par l’organe des chefs de l’administration, tandis que les compagnies d’assurances recommandent plus volontiers à leurs cliens les assurances à capital réservé, dont la famille hérite au moment où elle perd son chef.

Que dire de cette organisation des services administratifs en France, sinon que tout y est factice et contraire à l’ordre naturel des choses ? Factice, la hiérarchie à grades multiples qui engourdit chez l’inférieur le sentiment de la responsabilité ; factices, les lois qui créent une jurisprudence spéciale pour les fautes que commettent fonctionnaires et employés dans l’exercice de leur profession ; factice, la législation qui leur ferme la porte des assemblées électives, qui leur interdit le cumul ; factice encore, la loi qui leur prescrit de mettre leurs économies en commun et qui en dispose autrement que ne le ferait une compagnie d’assurances. Au surplus, les vices de ce régime se reflètent on ne peut mieux dans la terminologie bizarre qui a été créée à son usage. Ce n’est qu’en faisant violence à la langue française que l’on a formé des mots pour exprimer ces choses incongrues. Avec le substantif règle et le verbe régler, si expressifs dans leur simplicité, on a fait règlement, ce qui était déjà trop ; puis on y a ajouté des locutions barbares telles que réglementer, réglementation. Les titres eux-mêmes se sont greffés, pour les besoins d’une hiérarchie nouvelle, en multiples et sous-multiples qui rappellent vaguement le système métrique. Le commis, qui était, il y a deux cents ans, le plus haut titre administratif du royaume, est déchu de son rang ; on en a fait commissaire, qui n’a pas paru assez relevé. Le souvenir de Colbert n’a pas empêché le contrôleur de tomber en discrédit. Alors sont apparus le directeur