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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/471

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le gouvernement a besoin de ces trois mois de vacances parlementaires pour se préparer, que les députés eux-mêmes pourront en profiter pour consulter l’opinion. Rien n’est plus vrai ; il n’est pas moins à regretter qu’on ait perdu bien du temps à débattre des questions irritantes ou inutiles au lieu d’aborder de front cette situation financière que M. Casimir Perier vient d’exposer dans un rapport instructif. Les passions ont eu trop souvent leur jour, l’œuvre sérieuse reste interrompue.

Cependant qu’apercevez-vous à l’horizon ? Ne distinguez-vous rien depuis quelques jours ? Ne voyez-vous pas, tandis que la France se recueille et en est à savoir si elle se gouvernera de Versailles ou de Paris, ne voyez-vous pas que la diplomatie allemande, obéissant tout à coup on ne sait à quelles préoccupations, se remet encore une fois à l’œuvre et se donne tout au moins l’apparence de nouer toute sorte de combinaisons ? Ne remarquez-vous pas ces voyages, ces conférences, tous ces signes d’une réconciliation mystérieuse entre la Prusse et l’Autriche ? Oui, en effet, il y a bien quelque chose sans doute. L’empereur Guillaume et l’empereur François-Joseph, qui n’avaient pas eu l’occasion d’échanger des politesses depuis Sadowa, se sont trouvés ensemble à Ischl, et de nouveau ils se sont vus, il y a quatre jours, à Salzbourg. Dans l’intervalle, M. de Bismarck et M. de Beust se sont rejoints à Gastein, — Gastein, nom d’heureuse mémoire pour l’intimité de l’Autriche et de la Prusse ! Auprès du chancelier autrichien étaient le chef du ministère hongrois, le comte Andrassy, le chef du ministère cisleithan de Vienne, le comte Hohenwarth. Le voyage a été complet, rien n’y a manqué, les entrevues ministérielles ont alterné avec les entrevues impériales. Ils ont tous conféré, négocié, satisfaits peut-être au fond d’avoir l’air de donner à l’Europe quelque grosse énigme à deviner. Que faut-il croire de ce déplacement de tant de grands personnages ? Quel est le secret de ces entrevues et de ces conférences préparées et déployées comme un spectacle dans des lieux qui ont été témoins de tant d’autres scènes de la diplomatie allemande ?

La curiosité a été piquée, on le comprend, les conjectures se sont multipliées, les nouvellistes ont écouté aux portes, et on n’a pas manqué bientôt d’avoir à choisir entre toutes les versions possibles, entre toutes les imaginations. — Ce n’est rien, ont dit d’abord les moins inventifs, c’est peu de chose en vérité, c’est tout au plus cette affaire des chemins de fer roumains dont un Allemand, M. Strousberg s’est chargé il y a quelques années et qui cause peut-être aujourd’hui quelques difficultés à Bucharest. Après tout, de quoi s’agit-il ? Ce M. Strousberg, il est vrai, est un habile homme. Il a entrepris la construction de 930 kilomètres de chemins de fer dans les principautés, il n’en a construit que 500 kilomètres, et ce qu’il a fait est d’une exécution des plus médiocres. En revanche, il a disposé du prix total de sa concession, d’une