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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/556

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celles de Sofia ou de Routchouk, les Bulgares primitifs ? A toutes ces questions la science ne donne aucune réponse précise. Pour les slavisans, la langue bulgare actuelle contient très peu de mots dont le caractère finnois-mongol soit évident ; quant à y chercher des mots thraces, la tentative est au moins téméraire, puisque nul ne sait ce qu’était la langue du roi Seuthès, puisque de cet idiome il ne reste guère que des noms propres, et encore en très petit nombre. Aucun de ces noms, malgré les travaux de MM. Böttiger, Ascoli, Heuzey, ne peut être rattaché avec certitude aux familles philologiques aujourd’hui connues ; toutes les hypothèses sont donc permises, même celle qui rapproche le thrace du celtique. Le bulgare est un patois slave, une langue incomplète et grossière. Comme le grec moderne, il n’a pas d’infinitif ; il supplée à l’insuffisance des cas par des prépositions ; enfin la syntaxe paraît pour le moment ne pouvoir se ramener à aucune règle. Il existe au moins sept grammaires bulgares, toutes composées depuis dix ans ; elles ne sont d’accord ni sur les principes généraux ni sur les détails. Les unes ne tiennent aucun compte de l’idiome populaire, et veulent imposer au bulgare les règles du russe moderne ou du serbe ; elles rappellent ces ouvrages publiés à Athènes qui prétendent soumettre le romaïque à la grammaire du grec ancien ; les autres s’efforcent de ramener à des formules précises les habitudes d’une langue encore vague, toujours mobile, et qui admet dans la même bouche des variétés infinies. En réalité, cet idiome n’est pas fixé, il est la plus pauvre et la plus arriérée des langues slaves.

Depuis la conquête ottomane, les Bulgares n’ont pas d’histoire. A peine signalerait-on chez eux quelques essais de révolte, comme les tentatives d’Omer-Pasvan en 1790 et des chefs de la montagne ou haïkoums en 1820, quelques exploits de brigands descendus du Rhodope et de l’Hémus, comme ceux de Sinapis, qui en 1795 forma une bande de 5,000 klephtes et ravagea toute la plaine, pillages dont les chants grecs et turcs conservent encore le souvenir. Durant quatre siècles, cette race s’est abandonnée à la plus profonde torpeur. Le réveil actuel, si timide, si prudent qu’il soit, s’est déjà annoncé par quelques faits importans. Les Bulgares ont créé des écoles, ils ont cherché à secouer le joug de l’église de Constantinople. L’école de Philippopolis, ouverte en 1850, a été une heureuse nouveauté ; elle a déjà formé plus de quarante maîtres, qui se sont répandus dans tout le pays. On y enseigne la géographie, les élémens de la physique et des mathématiques, la langue bulgare et le turc. Le grec y tient une grande place : les Grecs ont donné aux Bulgares le peu de connaissances qu’ils ont eues jusqu’ici ; si grande que soit l’antipathie nationale, il était impossible de rompre complètement avec eux. Comme toutes les écoles de l’Orient,