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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/643

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noms du roi Louis-Philippe et de ses fils avec ces mots : , « Qu’ils reposent en paix ! »

On sait quelle paix trouvèrent ce jour-là, sur le boulevard du Temple, au milieu d’une foule immense et joyeuse, en armes et sans armes, dix-huit personnes de tout rang, de tout sexe et de tout âge, depuis un vieux et vaillant maréchal jusqu’à une innocente jeune fille, toutes frappées à mort par la machine infernale de Fieschi, sans parler de vingt-deux autres plus ou moins grièvement blessées. Je ne sais dans l’histoire et je n’ai vu dans ma longue vie point de crime aussi odieux en soi, aussi funeste pour les simples spectateurs, et dont les auteurs aient aussi complètement manqué le but qu’ils poursuivaient. C’était à la vie du roi Louis-Philippe et de ses fils que les assassins envoyaient, nul d’entre eux ne fut atteint ; quatre des ministres étaient là, le duc de Broglie seul eut, sans autre mal, le collet de son habit percé par une balle. Le gouvernement resta intact au milieu du plus grand péril qui pût le menacer et du plus tragique désastre semé dans le public qui l’entourait. Quel coup du hasard ! dirent les uns ; quel bienfait de la Providence ! dirent les autres. Je suis de ceux qui croient en Dieu, sans aucune prétention d’expliquer ses actes et de pénétrer ses desseins.

En présence de cet attentat, le roi Louis-Philippe se conduisit avec sang-froid et dignité, le cabinet avec fermeté et prévoyance. Je n’ai pas à retracer ici l’histoire des lois dites lois de septembre, que nous proposâmes le 4 août 1835, et qui, très librement discutées, devinrent en effet des lois le 9 septembre suivant. Vingt-cinq ans plus tard, au sein de ma profonde retraite, j’ai dit dans mes Mémoires tout ce que je persistais et persiste à en penser. Nécessaires à l’époque où elles furent rendues, ces lois étaient dans leur principe général et leurs dispositions essentielles sages et justes. C’est une dérision de réclamer, au nom de la liberté de l’esprit humain, le droit d’attaquer sans cesse les institutions fondamentales de l’état, et de confondre les méditations de l’intelligence avec les coups de la guerre. Il faut à toute société humaine des points fixes ; nul état ne peut subsister en l’air, ouvert à tous les vents et à tous les assauts. Quand Dieu a, comme dit la Bible, livré le monde aux disputes des hommes, il connaissait les limites de leur puissance ; il savait combien leurs efforts seraient vains contre le fond de son œuvre, même quand ils en troubleraient la surface ; mais les œuvres humaines sont bien autrement faibles et fragiles que l’œuvre divine. Elles ont besoin de garanties qu’elles ne trouvent pas dans leur force propre, et quand la limite a été posée entre la discussion scientifique et la guerre politique, c’est un devoir pour le législateur de ne pas se