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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/65

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« Si après le départ des troupes allemandes des nouvelles manifestations déloyales, si des désordres quelconques ont lieu de manière à nécessiter le retour des troupes, il serait procédé contre la ville avec la plus grande rigueur. Des contributions fort élevées devront être payées, et chaque individu compromis ou soupçonné sera puni de mort. »


En aucun pays, en aucun temps du monde, le vainqueur n’a plus insolemment dénié au vaincu le droit de la défense, ni pris un moindre souci de tempérer par quelque générosité l’emploi de sa force. Le 48e landwehr, qui était de la campagne de Saint-Quentin, ne se sentait pas d’aise d’avoir accompli pareil exploit, et c’était une joie homérique dans l’état-major de M. de Rahlden quand le jeune baron Berg invitait ceux qu’il rencontrait sur la route à « voir passer le million de Saint-Quentin. »

Les populations, réduites à dévorer en silence de tels affronts, ne pouvaient se résigner à croire qu’il faudrait les endurer jusqu’au bout. Elles accueillaient avidement les nouvelles les plus invraisemblables, au début surtout, car les mensonges tombèrent à la fin si drus et si gros qu’ils ne trouvèrent plus de dupes. Vers la fin d’octobre, on espérait encore : on s’entretenait des exploits du maréchal Bazaine, on disait qu’il avait brisé les lignes prussiennes, qu’il allait venir ; mais les journaux de l’ennemi, qui malheureusement ne mentaient guère, annonçaient sa capitulation. Dix jours après, le département était foulé du nord au midi par une nouvelle invasion. Une fraction de l’armée qui a pris Metz passe à Château-Thierry, marchant vers Paris ; l’autre, plus considérable, déroule pendant près de quinze jours ses colonnes et ses convois sur les routes de Reims à Soissons et de Soissons à Laon ; de là elle prend par tous les chemins la direction d’Amiens. Manteuffel la commande, et elle a pour mission de détruire notre armée du nord. Ce renouveau d’invasion assombrit toutes les pensées, et dans les villages encombrés d’Allemands on se demande ce que les journaux de Paris entendent par ces paroles que « l’Allemagne est définitivement épuisée. »


II

A la première nouvelle de la capitulation de Metz, La Fère fit ses derniers préparatifs pour soutenir un siège : la possession de cette place était en effet aussi nécessaire à l’armée qui allait opérer dans le nord que l’avait été la possession de Soissons pour l’armée qui, au mois de septembre, marchait sur Paris. Aussi le 13 novembre le capitaine de vaisseau Planche, récemment nommé au commandement ode La Fère, reçut-il la sommation de se rendre. Elle lui fut