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pour assurer le succès d’une combinaison où plus de 2 millions de nos compatriotes trouvent leur liberté ? Comment se fait-il qu’on se soit cru tout au moins obligé de jeter dans une négociation patiemment et laborieusement préparée des conditions nouvelles qui ont eu pour conséquence de la suspendre ou de la ralentir un instant ? Ah ! c’est qu’on a beau dire, les intérêts n’abdiquent pas si aisément, fût-ce devant des considérations supérieures de patriotisme, c’est qu’il n’est pas toujours facile à une assemblée d’embrasser tous les aspects d’une situation, d’entrer dans tous les détails, dans toutes les complexités d’une œuvre diplomatique, — c’est qu’on oublie trop souvent en vérité que, lorsqu’on négocie, on ne négocie pas habituellement tout seul, on n’impose pas toujours sa volonté même pour conserver ou pour reconquérir le premier des biens, l’inviolabilité de son territoire.

Il faut voir les choses telles qu’elles sont. Depuis que le fatal traité de Francfort a mis le sceau aux conditions de la paix entre la France et l’Allemagne, de cette paix douloureuse et amère à laquelle rien ne peut se comparer depuis cinq siècles, il y avait deux politiques à suivre. On pouvait s’en tenir strictement à ce qu’on avait été forcé d’accepter, exécuter les conditions dans toute leur rigueur, sans rien demander, sans entrer dans aucune espèce de négociation nouvelle, fût-ce pour arriver à quelque allégement possible. C’eût été sans doute, si l’on veut, un acte de fierté nationale dans l’effroyable infortune qui nous a frappés, et c’eût été même peut-être plus facile pour ceux qui ont la direction de nos affaires. Par malheur, ce n’est ni le gouvernement ni même la nation entière qui auraient payé les frais de cette fierté. Les premières victimes eussent été ces populations qui, plus que toutes les autres, ont connu les misères, les angoisses de l’invasion, qui auraient continué à porter jusqu’au bout l’accablant fardeau que les hasards de la guerre et de leur situation ont fait peser sur elles. Il y avait une autre politique, qui consistait tout simplement à tirer parti des circonstances, à négocier au besoin, pour adoucir la dureté des conditions primitives, pour hâter autant que possible la libération des contrées envahies et laissées à la merci de l’occupation étrangère.

Le traité de Francfort fixait les dates extrêmes des paiemens de l’indemnité qui nous a été imposée, et de la retraite progressive des forces allemandes ; mais on pouvait peut-être devancer ces dates, gagner au moins quelques mois. C’est ce que le gouvernement s’est appliqué à faire en se servant des moyens financiers que l’emprunt de cet été a mis à sa disposition. C’est ainsi qu’il est arrivé d’abord à délivrer les départemens les plus voisins de Paris et nos forts eux-mêmes d’une occupation qui ne devait cesser qu’à la fin de l’année. C’est ainsi que, poursuivant cette œuvre, il en est venu bientôt à terminer avec un représentant de l’Allemagne envoyé à Versailles, M. le comte d’Arnim, cette négociation, dont le résultat a été porté l’autre jour à l’assemblée sous la forme de prélimi-