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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/705

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discipline en honneur dans les écoles ? L’assemblée, qui n’a pas précisément le goût le plus prononcé pour M. Jules Simon, sous prétexte qu’il est un homme du 4 septembre, aurait été beaucoup mieux inspirée en laissant de côté l’origine du ministre de l’instruction publique pour s’occuper de ce qu’il fait, ou plutôt de ce qu’il ne fait pas. Enfin, dans les finances, on a subvenu au nécessaire, on a contracté un emprunt qui a eu un grand succès, on a volé quelques-uns des impôts nouveaux proposés par le gouvernement, et tout récemment, à la dernière heure de la session, l’assemblée a quelque peu bâclé au pas de course le budget rectificatif de 1871 ; mais au bout du compte les questions les plus sérieuses n’ont point été abordées. La situation financière reste ce qu’elle était, avec ses difficultés et ses charges accablantes ; elle est résumée en traits saisissans dans ces deux rapports de M. Casimir Perier et de M. de La Bouillerie, que les membres de l’assemblée peuvent emporter avec eux pour les méditer pendant leurs vacances, qui devraient être répandus partout pour mettre sous les yeux du pays le bilan de cette fatale guerre, dénoûment d’une politique désastreuse.

Il y a dans notre ingénieuse et malheureuse patrie un mot pour chaque situation. On disait autrefois que la France était assez riche pour payer sa gloire, on dit aujourd’hui qu’elle est assez riche pour payer ses revers, et à coup sûr elle doit être terriblement riche pour pouvoir faire face à la liquidation qu’elle a devant elle. Le fait est qu’il n’y a pas en Europe beaucoup de peuples qui pourraient se donner le luxe de payer à ce prix-là leurs revers ou leur gloire. Rien n’est plus éloquent que les chiffres. Toute notre histoire est dans les deux budgets qui correspondent aux deux phases de la guerre. En 1870, les recettes, qui, selon les prévisions, devaient être de 1 milliard 815 millions, tombent à 1 milliard 530 millions, tandis que les dépenses, fixées à 1 milliard 812 millions, montent subitement à 3 milliards 375 millions. En 1871, les dépenses, après toutes les rectifications possibles, sont montées d’une prévision de 1 milliard 852 millions à 3 milliards 197 millions ; les recettes, qui devaient être de 1 milliard 881 millions, sont tombées beaucoup plus bas. On voit d’un coup d’œil l’effroyable écart de ces chiffres, et dans ces évaluations, bien entendu, ne sont pas compris les premiers termes de l’indemnité due à l’Allemagne. Comment a-t-on comblé ce gouffre toujours dévorant ? comment a-t-on suffi à ces charges nouvelles ? Il n’y a nécessairement qu’un moyen, l’appel aux ressources extraordinaires, l’emprunt sous toutes les formes et à toutes les heures de cette néfaste année, emprunt de 1 milliard en 1870 au commencement de la guerre, emprunt de 250 millions contracté à Londres par la délégation de Tours, avances de la Banque de France s’élevant à plus de 1 milliard 300 millions, emprunt récent de 2 milliards 225 millions, et c’est ainsi qu’on est arrivé à couvrir les déficits, à remettre un certain équilibre dans les budgets des deux années, en même temps qu’on se donnait les moyens de payer