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De ne pas l’avoir aidée ; mais qui donc l’a aidée ? L’Autriche était son alliée naturelle depuis 1866 ; qu’a fait l’Autriche ? L’Angleterre était son amie depuis vingt ans ; qu’a fait l’Angleterre ? Dans cet universel abandon, que pouvait oser une puissance née d’hier, mal assise encore, incertaine de ses forces et qui aurait apporté comme enjeu sur le champ de bataille son avenir et son existence elle-même ? Le concours de l’Italie était assuré à une intervention collective. Qui l’a rendue impossible, cette intervention ? La Russie, complice de Berlin, et l’aveuglement d’un cabinet whig, qui, ne voyant dans ce monde que la Belgique en péril, avait dès le début de la guerre prêché partout l’abstention. Au moment où se préparait l’avènement d’un césarisme prussien qui menace tous les droits et toutes les indépendances, le cabinet de Saint-James ne s’occupait que de traverser toutes les combinaisons de la France et de la condamner à l’isolement. Certaines dépêches de lord Granville sont fort édifiantes à ce sujet. « Il n’y a plus d’Europe ! » s’est écrié mélancoliquement M. de Beust. L’Italie pouvait-elle remplacer l’Europe ?

Mais, reprennent les Français, non-seulement l’Italie ne nous a pas aidés, elle a profité de nos malheurs. Il est certain qu’au lendemain de Sedan l’Italie, trouvant libre la route de Rome, ne s’est point refusé le plaisir d’y aller. Pouvait-elle faire autrement ? Il y a là de quoi discourir longtemps. Interrogez un Italien en tête-à-tête, il vous accordera probablement qu’on a eu tort d’aller à Rome ; mettez ensemble cinq Italiens, ils s’écrieront d’une seule voix qu’on ne pouvait point ne pas y aller, — ce qui revient à dire que l’occupation de Rome était dans l’ordre des événemens nécessaires, mais qu’on s’y est mal pris, — que, si l’action était bonne, le procédé laissait à désirer. « Tôt ou tard Rome devait être à nous, disait récemment un député napolitain ; nous n’avons péché que dans la forme. Nous avons profité des embarras d’un ami et donné à la solution de la question romaine les apparences d’un mauvais coup. » Le ministère italien en avait lui-même le sentiment, et, comme il arrive aux gens qui ne sont pas tout à fait en règle avec leur conscience, il cherchait à se rassurer ou à se faire rassurer ; son livre bleu en fait foi. Ses ambassadeurs et ses envoyés lui mandaient à l’envi que tous les cabinets étrangers, informés par eux de l’événement, avaient fait le meilleur accueil à leur communication. Quelques-uns de ces cabinets, il est vrai, s’étaient renfermés dans un silence plein de réserves ; mais c’est un jeu pour la finesse italienne que d’interpréter un silence : les visages, les gestes, les airs de tête, les sourires, étaient favorables. Lord Granville et M. d’Anethan se sont plaints que MM. Cadorna et de Barral avaient lu trop de choses sur leur visage ; qu’importe ? Ils ont réclamé sans se fâcher., — Nous avons été entraînés, sono stato trascinalo, a dit un jour M. Visconti-Venosta. Franchement, cet entraînement est excusable ; en politique, c’est un péché véniel. Les