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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/748

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n’épargnait à ces malheureux aucune des tortures que la barbarie des mages avait imaginées, et que les Romains qualifiaient de « supplices et tourmens persans. » Il suffira de citer l’exemple d’un certain Jacques que les actes appellent « saint Jacques le Découpé, » parce que ses membres avaient été détachés du tronc l’un après l’autre pendant qu’il respirait encore. Les convertis persans cherchèrent naturellement à s’enfuir ; mais les mages avaient disposé des soldats tout le long de la frontière pour leur fermer le passage, et ordonné aux tribus arabes de les refouler dans l’intérieur du royaume. Il y en eut pourtant qui réussirent à s’échapper, et, comme être chrétien c’était presque être romain, les fugitifs se dirigèrent à travers la Cappadoce et la Bithynie vers l’archevêque de Constantinople, qui était pour eux le roi des chrétiens. L’archevêque fit appel à la charité publique, et ces infortunés furent accueillis en frères par les habitans de la ville impériale.

Sur ces entrefaites, Iezdjerd mourut, renversé par un cheval fougueux, il languit misérablement, et rendit l’âme au milieu des malédictions de ses prêtres. Sa fin tragique fut le signal d’un grand désordre. Le peuple, à qui les mages avaient rendu sa mémoire odieuse, voulut prendre un roi dans une autre famille, et fit choix d’un certain Chosroès, fils d’Ardeschir, frère de Sapor le Grand. Cette révolution se fit sans difficulté, attendu qu’aucun des fils de Tezdjerd n’était alors présent en Perse : l’aîné, qui occupait le trône d’Arménie, ayant voulu rentrer en Perse, fut tué par les mages, et le second se trouvait encore à la cour du roi d’Hirah, à qui son père l’avait confié tout enfant. Ce roi ou phylarque d’Hirah commandait à toutes les tribus de sa race qui erraient à l’est du grand désert et sur les bords du Tigre et de l’Euphrate : vassal de la Perse et ami personnel du dernier roi, il avait reçu en dépôt l’héritier du trône, qu’il avait élevé comme son propre fils. Ce jeune homme s’appelait Bahram, mot que les historiens romains rendent par Varanne ou Vararanne. A la nouvelle de la révolution qui dépossédait sa famille, il entra en Perse avec une armée arabe que lui fournit son père nourricier ; Chosroès s’avança contre lui avec une armée persane. La bataille allait s’engager quand Bahram fit une proposition qui changeait la guerre civile en un simple débat de dynastie. Élevé dans toute la rudesse d’une éducation arabe, il avait passé sa jeunesse au milieu des chasses contre les tigres et les lions du désert, et y avait acquis la réputation d’un chasseur intrépide, et le surnom de Gour, qui voulait dire un âne sauvage, surnom qui lui est appliqué quelquefois dans l’histoire, l’âne sauvage étant un animal d’une vigueur et d’une audace extraordinaires. Or Bahram fit cette proposition aux armées réunies. « Qu’on place, dit-il, la