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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/750

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péril. Ramassant aussitôt ses gens débandés, il se mit à la poursuite de Narsès et marcha avec une telle vitesse qu’il l’atteignit devant Nisibe, à la frontière des deux états. Adossé contre cette place, Narsès eût souhaité une grande bataille qui terminât la guerre d’un seul coup, et il fit demander à Ardabure le jour et le lieu où il lui plairait de se mesurer avec lui. « Quand les généraux romains veulent se battre, répondit le maître des milices, ils ne prennent pas conseil de leur ennemi. » Il savait qu’un renfort considérable lui était envoyé par l’empereur et ne tarderait pas à paraître ; Narsès, trop faible pour tenir la campagne, se renferma dans Nisibe. Nisibe, longtemps la clé de l’empire romain quand elle était romaine, devenue celle de l’empire persan depuis le fatal traité qui avait suivi la mort de Julien, était réputée imprenable. Au lieu de cette vaillante population qui aima mieux quitter ses foyers que de servir sous les Perses, et dont le patriotisme romain fournit de si touchantes pages à l’histoire du IVe siècle, il s’y trouvait maintenant une population persane, ardente ennemie du nom romain et du nom chrétien. Ardabure en commença le siège.

Bahram cependant, à la nouvelle de ces événemens, rassembla tout ce qu’il restait de forces disponibles dans son royaume, dépêcha des ordres à ses vassaux, et sollicita du secours de ses alliés. Son plan était de fondre sur l’armée romaine arrêtée par Narsès devant Nisibe, tandis que les Sarrasins, se jetant sur ses derrières, lui couperaient la retraite. Le roi d’Hirah, sur lequel il comptait comme sur un père et dont il connaissait la puissance, devait être son principal agent près des Arabes. La nation des Sarrasins se partageait en douze tribus, dont chacune avait son chef ou phylarque, qui, suivant son inclination ou son intérêt, combattait pour les Romains ou pour les Perses. Les traités passés avec l’un ou l’autre empire créaient entre le phylarque et lui un état de vassalité que le maître récompensait toujours libéralement. — Mondar ou Alamoundar, comme l’appellent les écrivains grecs en ajoutant à son nom l’article arabe, qu’on lui donnait sans doute par honneur, Mondar était le plus important des phylarques sarrasins vassaux de la Perse, et sa résidence, Hirah, fut longtemps la capitale d’un petit royaume qui dominait l’Arabie occidentale. Le lien d’hospitalité qui l’unissait au fils d’Iezdjerd ne laissait point de doute sur sa fidélité. Mondar était réputé un guerrier intrépide et hasardeux ; mais son courage n’était pas exempt de forfanterie, et ses tribus, composées de cavaliers nomades, valaient mieux pour des courses de pillage que pour une guerre régulière comme celle qu’il fallait faire aux Romains. Il répondit à son ami qu’il lui amènerait bien certainement les secours que celui-ci lui demandait, et qu’au besoin il se chargerait de la