Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/829

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travail sur le puceron de la vigne ? L’insecte est petit : une grande habitude du microscope est indispensable, une habileté consommée dans l’art des dissections les plus délicates, une extrême facilité à reproduire par le dessin de minutieux détails, sont également nécessaires. Le naturaliste capable d’entreprendre et d’accomplir dignement l’étude du puceron ne se préoccuperait que des faits scientifiques, étant bien assuré que, lorsque la science aura fait son œuvre, les moyens de destruction de l’animal nuisible seront tellement simples qu’on pensera ne rien devoir à personne. L’inconvénient est que l’investigateur consacrerait quatre ou cinq années, peut-être davantage, à l’exécution du travail, qu’il dépenserait beaucoup d’argent pour les observations, pour les expériences, pour les déplacemens, et que, comme un ouvrage inédit demeure à peu près inutile, il aurait sans doute encore à supporter les frais considérables d’une publication accompagnée de planches. Ayant abandonné des recherches préférées, il pourrait se réjouir d’avoir épargné la misère à de pauvres vignerons ; mais il éprouverait moins de bonheur à voir de très riches propriétaires, heureux de ne plus craindre pour leurs gros revenus, se contenter de rire de l’homme qui se serait donné des peines inouïes pour connaître un misérable insecte. L’auteur d’un travail sérieux n’irait pas, à la façon de certains industriels, réclamer les certificats qu’on attend au ministère de l’agriculture.

De quelque côté qu’on porte le regard, on aperçoit les vices de l’instruction donnée dans notre pays. L’observation et l’expérience n’étant presque jamais appelées à former le jugement, les hommes en général, une fois jetés hors du cercle étroit où ils s’agitent, ne savent guère apprécier les situations, distinguer les aptitudes, comprendre les avantages que peuvent fournir des études déterminées. On a souvent reproché aux Français de ne pas connaître les pays étrangers, et pourtant ils sont excusables sous ce rapport, car ils ne connaissent pas la France.


II

Un membre distingué de la Société royale de Londres, M. Huxley, un des promoteurs les plus actifs et les plus autorisés du mouvement que nous avons signalé en Angleterre, déclarait, il y a trois ans à peine, que l’enseignement peut être regardé à bon droit comme l’œuvre la plus grande dont on ait à s’occuper à l’époque actuelle. Nous ne le démentirons pas. Si les écoles de la Grande-Bretagne, indifférentes aux progrès de la civilisation, ont trop conservé les vieilles traditions universitaires, une meilleure fortune n’a pas été réservée à notre pays, où les productions de l’intelligence