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de l’université royale de Berlin, rédacteur en chef du Moniteur officiel du gouvernement de Reims. C’est un heureux journaliste que ce chevalier Wolheim ! Le prince de Hohenlohe lui a fourni un imprimeur par réquisition, le prince de Mecklembourg des abonnés ; les sous-préfets ont opéré ses recouvremens ; enfin il n’a pas cherché de rédacteur, un agrégé allemand suffit à remplir de sa prose toutes les colonnes du journal. Pour être lu, il compte sur son mérite personnel, et de bonne foi il finit par s’imaginer qu’il est fort goûté de ses lecteurs ; il constate que le nombre des abonnés augmente tous les jours ; il annonce, quinze jours après ses débuts, que les numéros 1 et 2 du journal sont complètement épuisés, et qu’il va en être fait un nouveau tirage « à la demande générale. » C’est qu’il croit avoir trouvé le moyen de prendre son public, suivant l’expression vulgaire. Il sait la façon dont il convient de parler à cet être frivole qu’on appelle le Français ; il connaît tous les mystères de la langue parisienne, il parlera cette langue ; il sait combien il importe chez nous d’avoir de l’esprit, il en aura, — et dès le second numéro du Moniteur il nous donne un exemple de son savoir-faire en regrettant, à propos des fausses nouvelles qui trouvaient créance parmi nous, qu’en France « les blagues n’aient pas été reléguées dans le coin. » Les traits de ce genre abondent sous sa plume. Nul doute qu’on n’ait lu ces jolies choses, et qu’on n’ait beaucoup ri des drôleries du chevalier chez Charles de Hohenlohe et chez Charles de Taufkirchen. « C’est comme cela qu’il faut leur parler, lui aura-t-on dit ; allez, continuez ! » Et, taillant sa meilleure plume, M. de Fonséca lançait à l’adresse de M. Victor Hugo, qui venait de publier son appel aux Allemands, le propos suivant, longuement et savamment déduit :


« Nous avons observé que Victor Hugo, dans presque tous ses écrits en prose, a quelque animal qu’il soigne particulièrement : par exemple dans les Travailleurs de la mer, il a une pieuvre au fond de l’Océan ; dans Bug-Jargal, il a un chien sous la tente ; dans l’Homme qui rit, il a un loup dans la charrette ; dans Han d’Islande, il a un ours dans la caverne ; dans Notre-Dame, il a une chèvre dans la chambre, et dans son Appel aux Allemands il a une araignée dans le plafond. »


Mais ce n’était que la parade devant la porte. M. de Fonséca profitait du moment où il nous tenait sous le charme pour nous faire entendre de sérieuses vérités. Il est le défenseur infatigable de tous les actes de l’invasion ; il a toute une série de textes, toute une collection de documens à son service ; il en appelle à ses auteurs de toutes les déclamations françaises. Que signifient ces plaintes à propos des paysans alsaciens qu’on aurait forcés à travailler aux