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comité a rempli cette tâche jusqu’au printemps de l’année 1870 ; avec des moyens d’action presque insignifians, il est parvenu souvent à ranimer un zèle près de s’éteindre et à déterminer un élan nouveau, — on a pu juger ce qu’on aurait obtenu avec des ressources un peu considérables. Si par malheur l’effort commencé venait à être suspendu, les défaillances seraient inévitables. Nous n’imaginons pas toutefois que le gouvernement seul puisse jamais donner la vie intellectuelle à toutes les villes ; les municipalités et les riches particuliers ont aussi le devoir d’agir pour les véritables intérêts et pour l’honneur de la cité. Ils se plaignent que Paris absorbe la province, et ils ont en main le pouvoir d’acquérir une noble indépendance. Le jour où Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Rouen, Lille, voudront provoquer des donations et consacrer chaque année une somme importante pour former et entretenir de grandes bibliothèques, pour fonder des musées scientifiques, pour installer des laboratoires de recherches pourvus de tous les instrumens utiles, enfin pour attirer et s’attacher des hommes distingués, un acte de haute politique sera accompli. Maintenant c’est un rêve ; si l’éducation pratique que nous réclamons était en vigueur, ce serait sans doute bientôt une réalité.

De quelque côté qu’on porte les yeux, on est frappé de l’élévation ou de l’affaissement des esprits d’élite selon l’état du milieu social ; il importe à chacun de s’en convaincre. Lorsqu’on parle avec enthousiasme des écrivains, des savans, des artistes italiens de la grande époque, beaucoup de personnes qui n’envisagent guère les différences dans les situations déclarent avec conviction que la race italienne est bien dégénérée. En effet, il n’y a plus de maîtres comme Fabrizio d’Acquapendente, plus beaucoup d’investigateurs comme Galilée, comme Redi, comme Malpighi, comme Spallanzani. Un moment la première entre les nations par les œuvres de l’intelligence, l’Italie depuis longtemps a perdu la suprématie, et d’autres peuples à leur tour ont dominé par la science. Néanmoins les brillantes qualités dont les savans et les artistes de l’Italie ont autrefois donné l’exemple ne sont certainement pas éteintes ; elles ont cessé d’être cultivées, d’être excitées, et ainsi de se manifester. Nous avons vu de jeunes Italiens qui venaient s’instruire en France ; près d’un maître qui les dirigeait et les encourageait à la recherche, plus d’un a montré une vive intelligence, une merveilleuse perspicacité, un tour d’esprit ingénieux et la patience indispensable dans l’exécution de travaux scientifiques. Le maître concevait de grandes espérances ; en adressant ses recommandations à l’élève qui retournait vivre dans la patrie de Dante, de Titien et de Volta, il se persuadait que le jeune savant continuerait à travailler avec le soin et le scrupule qu’il apportait sans peine quand il se trouvait récompensé par des