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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/887

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elles-mêmes sont suffisantes pour opérer avec la promptitude et la précision nécessaires les immenses transports militaires qui sont exigés par les conditions des guerres actuelles, et s’il n’y aurait pas lieu de les dédoubler sur une portion au moins de leur parcours en construisant des lignes annexes et parallèles.

Ce sont là, il ne faut pas se le dissimuler, de grosses questions que le patriotisme ne suffit pas à résoudre. Il y a d’abord la question d’argent, car les travaux à exécuter sont plus ou moins coûteux, et il est à craindre que des chemins construits principalement dans l’intérêt stratégique ne produisent point par l’exploitation industrielle les revenus nécessaires pour rémunérer le capital. Il y a ensuite une grave question d’équité, sinon de droit, qui touche aux rapports établis entre l’état et les compagnies pour la constitution du réseau. On sait comment, après mûres réflexions, l’administration française a cru devoir adopter le système de concentration pour les chemins de fer, comment elle s’est appliquée à faire disparaître peu à peu les compagnies secondaires, les concessions morcelées, pour les rattacher aux grandes compagnies entre lesquelles se partage aujourd’hui l’ensemble du réseau, comment enfin elle a associé le crédit de l’état à celui des compagnies en garantissant la rémunération du capital dépensé pour la construction d’une partie des lignes. Il existe ainsi entre l’état et les compagnies, qui représentent une portion très considérable de la fortune privée, tout un régime de conventions expresses ou tacites qui ne permettent pas de modifier d’une manière sensible les conditions d’exploitation ni les prévisions de revenus. Or le dédoublement des grandes lignes existantes et la concurrence de lignes nouvelles, en frappant les revenus nets, porteraient évidemment atteinte à l’esprit de ces conventions, et il en résulterait une perturbation profonde dans le mécanisme que le gouvernement, d’accord avec les pouvoirs publics, adopte pour l’organisation générale des voies ferrées. Cette difficulté, qui naît de la constitution des compagnies et de leurs rapports avec l’état, pourrait être résolue par des combinaisons analogues à celles qui ont déjà été appliquées en matière de chemins de fer, notamment par le système de la garantie d’intérêt et de revenu. Elle se confond donc avec la question d’argent, mais elle rend celle-ci plus lourde dans un moment où nos finances sont si obérées.

On ne saurait pourtant hésiter. Le gouvernement ne recule pas devant les dépenses nécessaires pour réorganiser l’armée ; il met à l’étude de nouveaux plans de fortifications ; il reconstitue le matériel de guerre, épuisé ou gaspillé pendant la période de nos désastres. Tout cela est indispensable. Une nation doit être toujours