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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/889

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On pourrait croire que les chemins de fer ont simplifié à cet égard le rôle du général, et qu’il suffit d’embarquer des troupes dans une série de trains qui parcourent directement, sur deux lignes de rails, le trajet prescrit. Cette simplicité n’est qu’apparente ; il n’y a pas à se préoccuper de la direction de la route, puisque la voie ferrée est inflexible et que l’on peut s’assurer à l’avance qu’elle est libre pour la circulation ; mais il faut s’inquiéter d’autres soins, se rendre compte du matériel disponible, du nombre et de la puissance des machines et de l’effectif des wagons, des dimensions et des dispositions de la gare où doivent s’opérer les débarquemens, en un mot des divers détails techniques et locaux dont les ingénieurs les plus expérimentés sont eux-mêmes obligés de faire l’étude pour les circonstances exceptionnelles, telles que les trains de plaisir, les trains de courses, etc. S’il ignore ces détails ou s’il les néglige, le général risque de voir échouer au moment décisif la manœuvre qu’il a combinée. L’histoire de la dernière guerre est féconde en incidens qui ont prouvé, à quel point la connaissance imparfaite des conditions d’exploitation d’un chemin de fer a compromis ou rendu inutiles, dans certaines circonstances, les mouvemens de nos corps d’armée. Tantôt on ne calculait pas le temps indispensable pour faire arriver au point de départ les wagons requis pour les transports, ou bien, en les demandant plus tôt que cela n’était nécessaire, on a retardé la marche d’autres corps de troupes qui auraient pu être transportés sur d’autres points du réseau. Tantôt on dirigeait les convois sur des gares tout à fait impropres au débarquement, trop petites, n’ayant point de voies d’évitement, alors que l’on aurait pu désigner une gare plus convenable où ne se seraient pas présentés ces embarras. D’autres fois l’on n’avait pas réfléchi que la gare de débarquement, très commode pour l’infanterie, n’offrait pas les dégagemens suffisans pour l’artillerie ou la cavalerie, et l’on s’exposait à des encombremens, à des retards aussi préjudiciables pour le mouvement projeté que pour le service du chemin de fer. Enfin, pour citer un dernier exemple, on a vu un général faire stationner un train de troupes pendant toute la nuit, afin de laisser ses hommes à l’abri dans les wagons, — sollicitude qui était assurément très louable, mais qui avait l’inconvénient de confisquer un matériel utile et d’arrêter la circulation sur une partie de la ligne. Ce sont là des fautes qui peuvent avoir en temps de guerre des conséquences fort graves, contre lesquelles le commandement militaire n’était pas prémuni par une étude suffisante des lignes dont il faisait usage.

Les services chargés des transports de vivres, d’armes et de munitions ont donné lieu à des critiques analogues. L’intendance et