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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/948

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de la France dans les conditions d’une existence régulière. La présence des pouvoirs publics au centre traditionnel de la vie nationale aurait par elle-même invinciblement l’influence la plus heureuse, elle pacifierait, elle dégagerait la situation d’une incertitude qui pèse sur Paris sans profiter assurément à la province. Enfin ce serait une difficulté de moins, et nous avons assez de difficultés sans laisser volontairement une incohérence de plus dans nos affaires, sans livrer ce facile prétexte à tous ceux qui espèrent se servir des malaises d’une grande ville éprouvée pour leurs desseins d’ambition ou d’agitation. L’assemblée, il y a quelques semaines, a pris son parti de rester à Versailles, et elle s’est décidée peut-être d’autant plus aisément qu’elle allait, au moins pour quelque temps, échapper par les vacances à tous les inconvéniens d’une capitale provisoire. Elle y réfléchira de nouveau à sa rentrée, elle verra bientôt que ce qu’on nomme la question de Paris n’est qu’une des faces de cette autre question qui s’appelle la réorganisation de la France. Ce jour-là, les préjugés ou les défiances s’évanouiront, il y aura une anomalie de moins et une force de plus dans notre politique. Si l’assemblée nationale hésite encore au mois de décembre, nous comptons sur l’hiver pour la convaincre, quoiqu’un hiver passé à Versailles, ce soit beaucoup, ce soit trop encore pour l’assemblée, pour Paris comme pour le pays. On hésiterait moins assurément, si, au lieu de se faire un fantôme des révolutions dont la grande ville a été l’instrument et quelquefois la victime, on s’occupait d’étudier ces révolutions et d’en prévenir le retour, si, au lieu d’écouter quelques radicaux impatiens de retrouver un rôle, on consultait les vrais intérêts publics, si l’on se disait enfin que, dans cette cruelle année qui vient de s’écouler, il y a des lumières et des leçons pour tout le monde, pour la province aussi bien que pour Paris.

Cette terrible année de guerre et de révolution, elle est là derrière nous, sinistre et implacable ; nous sommes occupés aujourd’hui à l’interroger, à la fouiller dans tous les sens, comme pour lui arracher le secret de tant de désastres que la veille encore on croyait impossibles, et qui se sont déchaînés avec la fureur d’une inexorable fatalité. C’est un examen de conscience universel qui se fait un peu partout et sous toutes les formes, devant les tribunaux, devant les commissions d’enquête, dans les témoignages qui se succèdent, dans les livres qui se multiplient. Où est la vérité ? Quelle a été l’origine de la dernière guerre et quelles sont les causes de ces catastrophes inouïes ? Quelle est la part directe de responsabilité pour tous ceux qui ont eu un rôle dans ces événemens ? Peu à peu le jour se fera sans nul doute, il commence même à se faire, et si on ne sait pas tout encore, on voit peut-être déjà plus clair dans ce gâchis sanglant. Le pays est certainement intéressé à tout connaître, à savoir où sont les coupables, où sont les fautes, les légèretés, les inconséquences désastreuses dans la diplomatie comme