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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/956

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gêner tous les services et de dénaturer le caractère architectural d’un monument.

Voilà donc le musée construit, les moyens de l’entretenir et de l’accroître assurés ; voyons maintenant le mode de formation des collections, disons dans quel esprit et avec quelles garanties d’authenticité celles-ci sont composées.

Deux points de vue très différens se partagent l’opinion en Europe sur le rôle des musées. Les raffinés, dans leur égoïsme, n’y voudraient admettre que des chefs-d’œuvre ; les travailleurs, les artistes, les historiens, les philosophes au contraire voudraient que tout musée, dans la mesure de ses ressources, présentât une histoire de l’art aussi complète que possible. C’est à ce dernier et très sage parti que s’en tient le comité du Metropolitan Museum. Il sait fort bien d’ailleurs qu’il serait chimérique aujourd’hui de prétendre aux peintures des grands maîtres de la renaissance italienne. Tous les Raphaël par exemple sont connus, classés, fixés en des mains qui ne s’en dessaisiront pas. Une fois par siècle peut-être une circonstance imprévue, patiemment guettée, assurément saisie, s’offrira dans cet ordre pour le musée de New York ; mais ce n’est pas là ce qu’il recherche. Il borne son ambition à former, par des spécimens choisis, et du plus grand au plus petit des maîtres, une histoire de toutes les écoles de peinture. Le programme est suffisant ainsi, et le seul raisonnable. Toute œuvre d’un artiste de quelque notoriété y est admise à une condition absolue, première loi d’un musée : à la condition que l’authenticité en soit indiscutable. Dans toutes ses acquisitions, le comité est assisté par un homme d’une rare pénétration en ces matières, en outre, aucune toile n’a été acceptée par le musée avant d’avoir été soumise à l’appréciation de M. Etienne Le Roy, commissaire-expert des musées royaux de Belgique, dont le nom a fait la fortune des ventes van Brienen et Salamanca, restées célèbres dans le monde des amateurs.

Si le musée de Bruxelles n’avait pas un si pauvre budget (12,000 fr.), on s’étonnerait qu’il ait laissé enlever par le Metropolitan Museum des œuvres capitales pour lui et qu’il avait sous la main : le Retour d’Égypte de Rubens, gravé par Bolswert, tableau d’autant plus précieux qu’il est le seul, des Rubens qu’on ait sauvé de l’incendie de l’église des jésuites à Anvers ; les figures sont de grandeur naturelle. La même réflexion s’appliquerait également à l’œuvre la plus importante de Gaspard de Crayer, Diogène et Alexandre, une toile immense que la ville de Gand avait offerte à l’impératrice Joséphine, et qui orna longtemps un des salons de la Malmaison ; l’impératrice remercia par l’envoi des bustes antiques qui sont aujourd’hui au musée de Gand. Le tableau de G. de Crayer avait fait partie de la collection de Rubempré, ainsi que l’un des magnifiques Jordaens du musée de New-York, le Triomphe de Bacchus. L’autre