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d’une autre nature. A une époque où la pêche était le seul intérêt dans ces parages, les traités ont partagé le littoral entre la France et l’Angleterre, donnant à chaque nation le droit exclusif de pêcher et de s’établir sur la portion qui lui était assignée. Il n’était pas question alors de colonisation. Depuis, les Anglais ont occupé Terre-Neuve, ils s’en attribuent la souveraineté entière et ne peuvent cependant ni bâtir, ni cultiver, ni exploiter les mines dans une zone mal définie que les pêcheurs français laissent en grande partie à l’abandon. Les deux gouvernemens ont plusieurs fois tenté de s’entendre sur ce point sans réussir à concilier leurs prétentions respectives. Les habitans de Terre-Neuve, comme ceux de l’île du Prince-Edouard, n’ont donc pas encore la libre disposition de leur territoire.

Sans attendre l’accession de ces deux provinces, la Dominion of Canada s’est constituée en imitant autant que possible les institutions de la mère-patrie. Un sénat composé de membres nommés à vie par la couronne, une chambre basse dont la représentation est calculée sur la double base de l’étendue du territoire et du nombre des électeurs, un ministère responsable devant le parlement sous la haute impulsion du gouverneur-général, qui représente la reine, telles sont les bases de la constitution canadienne. Chaque province conserve son propre parlement pour les affaires d’intérêt local. Le gouverneur-général a droit de veto sur toutes les délibérations, à la condition d’en référer au gouvernement impérial ; ce titre appartint dès lors au gouvernement de Londres en tant qu’il agissait comme suzerain des provinces d’outre-mer. L’empire britannique s’établissait sans bruit ni proclamation. Ces institutions, qui ressemblent aussi à celles des États-Unis, en diffèrent par un point essentiel. Dans l’Union, ce que la constitution réserve au congrès est nettement spécifié, et le reste est du ressort des législatures locales ; au Canada, ce sont au contraire les attributions des assemblées provinciales que la constitution a pris soin de délimiter : l’imprévu appartient au parlement de la Dominion, sous la réserve que celui-ci ne se mette pas en contradiction avec les lois suprêmes de la métropole. L’unité de l’ensemble prime les droits des états.

Outre Terre-Neuve et l’île du Prince-Edouard, la Dominion compte encore s’étendre vers l’occident et ne s’arrêter qu’au Pacifique, où végète la Colombie britannique, si éloignée de l’Angleterre qu’elle semble prédestinée à devenir une annexe de l’Union américaine. La distance est grande du Saint-Laurent aux Montagnes-Rocheuses ; le pays intermédiaire est encore désert. Ce pendant le territoire de la baie d’Hudson, qu’une compagnie anglaise détenait depuis deux cents ans, fait maintenant partie de la