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de cette position ambiguë est de créer une vaste confédération britannique dont la reine serait le souverain constitutionnel, — dont Londres serait le centre politique, sinon géographique, et que régirait un parlement impérial dans lequel chaque colonie serait, de même que les îles britanniques proprement dites, représentée à proportion du nombre de ses habitans ; organisation chimérique qui ne plaît à personne, ni à la métropole, ni aux colonies. La première ne veut pas admettre que des colons aient voix délibérative dans les affaires qui n’intéressent que le royaume-uni ; les colons, qui seraient une très petite minorité, ne renonceront jamais aux libertés locales qu’ils possèdent aujourd’hui. Au surplus, quelle source de conflits que ces parlemens à divers degrés échelonnés au-dessus les uns des autres !

Qu’on ne le perde pas de vue, la solution de ce problème n’est obscure que parce qu’il n’y a pas d’exemple dans l’histoire d’une nation européenne avec des colonies libres essaimées sur les points les plus éloignés du globe. Ce n’est pas qu’il y ait urgence à sortir d’embarras. Les relations actuelles entre la Grande-Bretagne et ses annexes lointaines sont cordiales, plutôt affectueuses. Il n’y a pas entre elles que le lien de parenté, il y a aussi des intérêts d’argent. La dette qui pèse sur le budget de la métropole est le fruit des guerres qui ont valu à l’empire ces possessions lointaines ; en revanche les colonies ont attiré depuis quarante ans les capitaux de la mère-patrie à tel point qu’on évalue maintenant à 2 milliards 1/2 de francs les biens d’outre-mer appartenant à des Anglais résidant en Europe. Le premier effet de la séparation serait donc de laisser au royaume-uni seul le poids entier de la dette publique et en même temps de rendre les colons tributaires, comme le sont les Irlandais, de propriétaires étrangers au sol. Cela n’empêche pas que le mot de sécession ne soit prononcé de temps à autre, et sans que de part et d’autre on ait l’air de beaucoup s’en effrayer. Quand les colonies voudront s’émanciper, disent les ministres de la reine, nous nous garderons bien de les retenir par force. En ce point, comme en bien d’autres, ils obéissent au sentiment d’inertie qui semble être leur règle de conduite habituelle. Quelques-uns vont même plus loin. « L’union entre nous et les Australiens, disait ces jours-ci une revue anglaise, est élastique ; nous ne gagnerons rien à la rompre ; nous n’avons non plus rien à y perdre. »


H. BLERZY. ZOE