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Constance aux camps, garnisons et colonies, établis au milieu des agri decumates. C’était la voie directe qui mettait en communication[1] par le Rhin supérieur et le passage du Splugen la Haute-Italie et la Germanie méridionale, assujettie à l’empire du Ier au IVe siècle. Elle était défendue par des châteaux bâtis de distance en distance pour tenir en respect les bandes allémanniques, mal soumises à la domination romaine et toujours prêtes à tenter un coup de main. Elle débouchait sur le Haut-Neckar par une forte position, celle de Solicinium, protégée aussi par un château construit, au rapport d’Ammien, sur un rocher conique presque inaccessible aux attaques. Là fut livrée par l’empereur Valentinien, à la suite d’une campagne laborieuse (366-68), une sanglante bataille aux Allemanni révoltés et maîtres des hauteurs. Le Solicinium des anciens paraît devoir être placé dans le voisinage du Mont-Zollern ou Haut-Zollern (Hohenzollern) des modernes, lequel est en effet une montagne conique complètement isolée, couronnée de toute antiquité par un château-fort dominant les environs à une grande distance, et défendant la communication militaire du Neckar au Danube. La forteresse a joué un rôle important dans les guerres intérieures d’Allemagne soit au XVe, soit au XVIIe siècle. C’est ce château féodal, situé à une lieue d’Hechingen, qui est l’antique berceau (Stammschloss) de la famille royale de Prusse, et d’une famille, princière de même souche, qui a retenu jusqu’à ce jour le nom de son vieux manoir, demeuré possession de famille depuis un temps immémorial. Souvent ruiné, souvent reconstruit, le château de Hohenzollern a été récemment remis à neuf en sa vieille forme du moyen âge. Commencé en 1851, l’ouvrage ne fut terminé que vers 1859. Un chemin ferré part de la vallée, serpente sur les flancs du rocher, longe des murs crénelés chargés de tours et de bastions, et aboutit à la grande porte ogivale sur laquelle on lit l’inscription suivante :

Zollern, Nuremberg, Brandebourg, en association,
Bâtirent le château sur l’antique fondation (1458) ;
De la puissante Prusse la main m’a élevée,
Et la porte de l’Aigle je suis appelée (1851).

Dans une niche plus élevée, on distingue un guerrier, représenté en relief, monté sur un cheval lancé au galop. L’aigle noir plane au-dessus portant le blason de la famille avec cette devise : du rocher à la mer.

Il ne faudrait pas croire cependant que le lustre de la maison de Zollern remonte au temps de la guerre suévique ou allémannique. Ses flatteurs lui disaient jadis, paraît-il, que le château de Zollern

  1. Voyez Stälin, Würtemb. Gesch., t. Ier, Römerstrassen.