Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc songer, pour ce double motif, à se procurer par la voie de l’immigration des travailleurs étrangers, et les Chinois sont incontestablement les meilleurs que l’on puisse appeler à soi. Là encore on se trouve en présence des facilités que le code annamite donne à la non-exécution des contrats ; cette fois les risques sont plus grands pour le propriétaire. Les Chinois se soutiennent et s’entr’aident, chaque congrégation a pour ainsi dire son esprit de corps poussé au plus haut point. Nul doute que le débiteur ne soit mis promptement en mesure de se libérer de sa dette, si ses intérêts le rappellent en Chine, ou s’il a l’occasion de contracter un engagement plus avantageux.

La loi française, pas plus que la loi annamite, n’apportait de restrictions à la liberté du travail, et, quelques années après l’abolition de l’esclavage dans nos colonies, les propriétaires se trouvaient dans le plus grand embarras. On se vit donc dans la nécessité de régler les rapports des propriétaires avec les travailleurs, et de déterminer d’une manière plus efficace leurs obligations réciproques. Un décret parut en 1852, relatif aux travailleurs immigrant dans les colonies françaises, et les rendant passibles d’une peine individuelle lorsque sans raisons valables ils manquaient aux engagemens de leurs contrats. Ce décret n’a pas été promulgué en Cochinchine. Aucune entreprise n’avait encore eu directement recours à l’immigration, et le besoin n’était pas immédiat. Aujourd’hui la nécessité d’une loi sur le travail paraît évidente, l’administration s’est mise à l’étude, et doit donner incessamment aux propriétaires les garanties qu’ils réclament.

Là ne s’est pas bornée la sollicitude qu’apporte l’administration au développement des idées nouvelles, et la foi fervente qu’elle a dans les destinées du pays s’est manifestée par des actes de haute importance.

Une question d’intérêt immédiat préoccupait depuis quelque temps les esprits soucieux de l’avenir. On se sentait un peu perdu dans ce vaste pays ; les voies de communication existaient bien multipliées à l’infini, mais les moyens de transport étaient insuffisans. Il y avait là pour le présent un obstacle aux opérations militaires, si elles devenaient nécessaires, et pour l’avenir une entrave évidente aux opérations industrielles et agricoles. Le contre-amiral gouverneur actuel de la Cochinchine, frappé des inconvéniens d’un pareil état de choses, vient de prendre l’initiative de l’opération la plus considérable qui ait été faite dans le pays depuis que nous l’occupons : la création d’une ligne de bateaux à vapeur destinés à établir des communications fréquentes entre nos provinces et le Cambodge, tout en reliant entre eux par un service régulier les