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lui, l’appui si précieux du Vatican, et écoulait ses actions ; enfin les coffres de Rome n’étaient plus à sec, et la rente romaine se relevait. Le pape, ravi, accorda le titre de comte à M. Langrand, et lui adressa une lettre[1] qui assura le succès de ses sociétés en lui procurant, comme courtiers de placement pour ses titres, les curés et les vicaires des communes rurales. Ceux-ci recommandaient aux bons paysans les lettres de gage des banques hypothécaires et de crédit foncier, croyant servir ainsi la cause de la religion et l’intérêt de leurs ouailles, sans oublier le leur, car ils touchaient une prime.

  1. Cette lettre est une pièce si curieuse pour l’histoire religieuse de notre temps, que nous croyons devoir la reproduire littéralement.
    A monsieur et cher fils André Langrand-Dumonceau, à Bruxelles, en Belgique.
    « Cher fils, noble homme, salut et bénédiction apostolique.
    « Dans ces derniers jours est venu à nous notre très cher fils le prêtre Jean-Népomucène Danielik, du diocèse d’Erlau, envoyé par vous et vos collègues, lequel très humblement nous a remis votre lettre du 12 de ce mois.
    « Et nous avons appris tant par cette lettre que par ce prêtre lui-même que, par votre initiative et avec d’autres personnes catholiques du royaume de Belgique, il a été fondé des établissemens de crédit foncier afin de favoriser et de développer l’agriculture, l’industrie et le commerce dans les états catholiques, et en même temps d’arracher les familles catholiques des mains avides d’usuriers rapaces en leur prêtant un secours opportun.
    « Nous avons appris également que vous et vos associés, qui sont spécialement chargés de l’administration de ces institutions, vous avez entouré notre personne et ce siège apostolique d’une piété filiale et d’une obéissance remarquable, et que vous et eux avez souverainement à cœur, dans ces temps si malheureux, de protéger et défendre la cause, les droits et la conduite de l’église catholique et de ce siège.
    « En considération de quoi, nous vous adressons à vous, cher fils, et à vos associés des éloges mérités, puisque le but principal que vous vous êtes proposé en fondant avec eux les institutions prémentionnées est d’affranchir les familles catholiques de la nécessité de contracter des engagemens qui, en raison d’intérêt illicite ou pour tant d’autres causes, sont absolument défendus par les lois divines et humaines.
    « En même temps, nous vous exhortons vivement, vous et vos associés dans cette entreprise, de faire en sorte que, grâce à la religion qui vous distingue, ainsi qu’eux, vous dirigiez toujours cette œuvre tout à fait catholique en méprisant entièrement l’appât des richesses, et que votre soumission et votre dévoûment envers notre personne et ce saint-siège s’affermissent et s’augmentent de jour en jour davantage sur leurs bases inébranlables.
    « En attendant, nous demandons humblement à Dieu, très bon et très grand, qu’il daigne bénir vos soins, vos projets et vos travaux communs, afin que ces institutions, dirigées selon la règle de notre très sainte religion, aboutissent au véritable bien de la famille catholique tout entière, en prenant de jour en jour plus d’accroissement.
    « Et comme augure de ces bénédictions, et comme gage de notre affection paternelle envers vous, nous vous accordons du fond du cœur et avec amour, à vous, monsieur et cher fils, et à tous vos associés catholiques dans cette entreprise, notre bénédiction apostolique.
    « Donné à Rome, à Saint-Pierre, le 21 avril 1864, de notre pontificat la 18e année.
    « Pius PP. IX. »