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partis, ce n’est pas un définitif quelconque, c’est leur propre domination égoïste et tyrannique, fût-ce au prix de catastrophes nouvelles. L’intérêt du pays est assurément ce qui les inquiète le moins. Si on avait quelque souci de l’intérêt du pays, est-ce que M. Gambetta s’en irait dans le midi jouer au chef de parti, passer la revue de ses armées, jeter sur son passage quelques banalités retentissantes, au lieu de rester à son poste à l’assemblée pour s’occuper des questions sérieuses qui s’agitent, qu’on résout par de l’étude, par du bon sens, non par des lieux-communs démocratiques et des déclamations de tribun ? Est-ce que le radicalisme choisirait l’heure où la France a besoin de toutes ses forces, de toute sa prudence, de toute sa sagesse, pour aller réchauffer toutes les divisions, pour nous offrir la séduisante et fortifiante perspective des mandats impératifs et des agitations en permanence ? Le radicalisme, par ses programmes révolutionnaires et par ses succès électoraux, croit-il par hasard aider beaucoup à la délivrance de notre territoire, à la renaissance de notre crédit, à l’autorité de notre politique en Europe ?

Chose à remarquer, dans ces élections qui viennent d’avoir lieu et qu’on attendait un peu comme un signe révélateur de l’état de l’opinion, ce ne sont pas naturellement les contrées les plus éprouvées, les plus rapprochées de l’invasion, les plus sensibles à l’intérêt national, qui ont contribué à grossir le contingent radical de l’assemblée. Dans le Nord, la double élection est partagée entre un conservateur et un républicain qui a été présenté comme le partisan du gouvernement actuel. Dans la Somme, c’est un républicain libéral et sensé qui est élu. A Paris même, la grande manifestation radicale a échoué, une majorité considérable s’est prononcée pour le candidat le plus modéré, pour M. Vautrain ; M. Victor Hugo est resté sur le carreau avec le mandat contractuel. C’est dur pour M. Victor Hugo d’être réduit à faire des proclamations pour couvrir les cuisantes humiliations de son orgueil, mais c’est ainsi. Dans le centre, dans les Basses-Pyrénées, des conservateurs sont élus, quoique dans les Pyrénées notamment, à Bayonne, le candidat républicain fût le marquis de Noailles, qui offrait certainement toutes les garanties d’un esprit distingué et honnêtement libéral. C’est au contraire dans le midi ou du moins dans une partie du midi, à Marseille, à Toulon, que les radicaux, selon l’habitude, ont eu leurs plus beaux triomphes. Marseille, il est vrai, aurait à s’occuper de bien d’autres choses qui la touchent même personnellement. Pendant qu’elle se livre à ses manifestations révolutionnaires, les communications de l’Europe avec l’Inde se détournent d’elle. Son commerce, ses intérêts de grande cité maritime, ne laissent point de courir des risques dans toutes ces agitations dont elle est le foyer ; mais non, il ne s’agit pas de cela, on est fort désintéressé à Marseille. Pendant la guerre, ces bons Provençaux faisaient des comités de salut public. avec M. Esquiros, s’occupaient beaucoup de se