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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/566

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plaquettes. Elle était employée en médecine. Le plomb d’œuvre était soumis, comme aujourd’hui, à la coupellation, opération qui consiste à exposer le métal fondu à l’action d’un courant d’air : le plomb s’oxyde, se transforme en litharge, qu’on enlève au fur et à mesure, et l’argent reste au fond du creuset. On n’a pas encore rencontré de restes de fours de coupellation ; toutefois des débris de litharges jaunes et rouges, trouvés au milieu des scories, semblent indiquer que l’opération était pratiquée sur place. Ces litharges, que Pline nomme « écume d’argent, » étaient en partie vendues au commerce, en partie révivifiées, et donnaient du plomb pauvre qui servait à fabriquer des tuyaux, des lampes, des vases, des crampons de scellement, de la céruse.

Lorsqu’on étudie de près l’industrie antique, on est frappé du degré d’avancement vraiment remarquable qu’avaient atteint dès cette époque les connaissances techniques, surtout celles qui constituent l’art d’extraire et de fondre les métaux. La disposition des galeries de mine, la profondeur des puits, l’exactitude avec laquelle chaque veine de minerai a été suivie et exploitée, enfin l’étendue des travaux souterrains, prouvent que, sans connaître la géologie, les anciens possédaient des notions empiriques très justes sur l’allure des couches et des filons. D’autre part, les fondeurs ignoraient en vertu de quelles actions chimiques ils opéraient dans leurs fours la réduction des sulfures métalliques, l’expulsion des gangues par les scories, la séparation du plomb et de l’argent au moyen de la coupellation, et pourtant, sauf la différence résultant de l’emploi des engins mécaniques perfectionnés, leurs procédés étaient à peu près les mêmes que ceux qui sont encore en usage aujourd’hui. Ici, comme dans toutes les sciences d’observation, la pratique a devancé la théorie.


II

Avec la cessation des travaux miniers, la vie se retira peu à peu du Laurium. Exposées aux incursions continuelles des conquérans pillards qui se disputaient le sol de la Grèce. Normands, Siciliens, Catalans, Vénitiens, Génois ou Turcs, les villes du littoral se dépeuplèrent et furent abandonnées. L’expulsion des Turcs et la constitution du gouvernement hellénique n’apportèrent aucune modification à cet état de choses, et jusqu’en 1864 le pays resta tel que l’avait vu Chateaubriand en 1806 : point de routes, point d’habitans, partout le silence et la solitude dans- ces lieux remplis autrefois de bruit et de mouvement ; le seul centre de population était le misérable village de Kératea, comptant à peine 800 âmes. La contrée était devenue le refuge habituel des bandits de l’Attique, et l’on