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son propre fils aîné à Kamos dans les mêmes circonstances, car toutes les formes de Moloch, comme le Milcom des Hammonites et le Kamos des Moabites, à qui Salomon avait bâti des temples sur les collines de Jérusalem, ou comme l’Adrammelech et l’Anammelech des colonies de captifs chaldéens et susiens que Sinacheirib avait fait transporter à Samarie[1], toutes ces formes locales de Moloch avaient comme Jahveh leurs bûchers dévorans et leurs vallées de Ben-Hinnôm. Qu’est-ce que la consécration des premiers-nés à Jahveh ? Qu’est-ce surtout que la circoncision, sinon une transformation de ces sacrifices, amenée fatalement par l’adoucissement des mœurs ? La circoncision, qui comme le sacrifice avait lieu le huitième jour après la naissance, est encore un sacrifice sanglant destiné à apaiser la divinité. La vie des premiers-nés fut rachetée par une indemnité de cinq sicles d’argent pour un mâle, et de trois sicles d’argent pour une fille, lesquels étaient payés aux prêtres.


II

A côté de Jahveh et des autres formes du Moloch sémitique, le dieu qui eut le plus d’autels et de temples dans la Palestine est sans contredit Baal. Pendant la période des juges et de Samuel, qui fut à peu près de deux siècles, les adorateurs de Jahveh associèrent le culte de Baal et d’Aschera au culte du dieu national. Si nous voyons le nom de Jahveh dans des noms propres de ce temps, comme Joas, Jothan, Jonathan, etc., nous retrouvons celui de Baal dans d’autres noms propres de la même époque. Gédéon, un juge d’Israël, s’appelle Jerubbaal. Saül, l’oint de Jahveh, donne à l’un de ses fils les noms d’Esbaal et de Jonathan, et le fils de Jonathan est nommé à son tour Meribbaal. Sous des rois idolâtres et franchement polythéistes comme David et Salomon, sous leurs successeurs surtout, le culte de Baal et d’Aschera fut sans nul doute le plus populaire dans les deux royaumes du nord et du sud. Sous le règne d’Achab, le fameux prophète ou nâbi de Jahveh, Élie, provoque seul quatre cent cinquante nâbis de Baal et quatre cents nâbis d’Aschera. Jezabel, Athalie, si maltraitées par les rédacteurs jahvistes des livres des Rois et des Chroniques, aimaient à s’entourer des prêtres et des prêtresses de ces divinités heureuses et naïvement sensuelles. Les

  1. Tous les noms, sauf un seul, des populations qui furent ainsi transportées dans la Palestine ont été retrouvés dans les inscriptions cunéiformes. Ils sont tous en rapport avec les dernières campagnes de Sinacheirib contre Suzub et avec l’expédition du même monarque assyrien en Élam l’an 687 avant notre ère. Voyez François Lenormant, Lettres assyriologiques, I, 63 et suiv.