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sacrifier au dieu sa chevelure, ou s’abandonner un jour entier aux étrangers et consacrer à la Baalath le prix de la prostitution sacrée.

Comme dieu du printemps, Adonis avait une seconde fête à laquelle le mois de mai (ijar) était consacré. L’ardeur dévorante de juin, — mois qui, chez les Araméens, s’appelle haziran, mois du sanglier, — tuait le soleil de la jeune année, que l’on pleurait en juillet sous le nom de Tammouz. Ce mois portait le nom du dieu dans le calendrier syrien et hébreu, qui est, comme on sait, d’origine chaldéo-assyrienne. C’est cette fête de Tammouz que l’on célébrait à Jérusalem, dans toute la Palestine, comme en Syrie et en Phénicie, et qui pénétra même en Babylonie. C’est au mythe d’Adonis ou de Tammouz, tué par un sanglier dans les forêts du Liban, qu’il convient sans doute de rapporter la défense, encore en vigueur chez les Israélites, de manger de la viande de porc. Ce qui paraît prouver que cette interdiction est non le résultat d’une nécessité hygiénique, mais bien l’effet d’une idée mythologique, c’est qu’on retrouve la même coutume chez tous les peuples où le culte d’Adonis a pénétré, quels que soient le sol et le climat, chez les Phéniciens et chez les Syriens comme chez les Arabes, chez les Sabiens comme dans l’île de Cypre.


III

La bonne déesse Aschera, la Baalath de Baal, moins pleureuse que celle d’Adonis, n’était ni moins tendre ni moins voluptueuse. Fécondée chaque année par l’amant céleste, elle respire la joie, la sérénité, la profonde paix des déesses mères de la race aryenne, de notre Déméter par exemple. Et en effet, en tant que divinité parèdre du dieu de lumière, de chaleur et de vie, en tant qu’épouse de Baal, Aschera n’est autre que la nature sortie du lourd sommeil d’hiver. Aux chauds rayons d’avril, elle s’éveille, elle écoute bruire les germes innombrables, les semences des choses qui s’agitent dans son sein, et, tandis que son corps, baigné dans l’air lumineux, se couvre d’une végétation monstrueuse, elle fait foisonner le poisson dans l’eau visqueuse des havres et augmente l’ardeur de ses colombes dont les nids peuplent les noirs cyprès. Comme Isis, cette déesse pourrait être qualifiée de « Myrionymos. » A Ninive c’était Bélit, à Askalon Derkéto. Voilà pourquoi, jusqu’aux temps modernes, les femmes relevées de couches, les lépreux, etc., apportaient au temple des colombes et des tourterelles. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, le culte antique des poissons, très populaire dans toute la Syrie, s’est conservé dans le village de Deschon et dans une petite mosquée musulmane près de Tripoli.