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Istar de l’Assyrie, l’Istar d’Arbèles et celle de Ninive ; le caractère guerrier de la première répond très bien à l’Astarté de la Phénicien et le caractère voluptueux de la seconde à la bonne déesse Aschera de la Palestine. Ces deux faces de la divinité féminine chez les Sémites paraissent aussi dans Anat, déesse parèdre d’Anu, qui entre dans la composition d’un grand nombre de noms propres de la Palestine, et dont on peut étudier les deux aspects, répondant aux deux côtés de son rôle divin, sur trois stèles égyptiennes de la XIXe dynastie. Ici, elle est représentée nue, vue de face, comme la Zarpanit de Babylone, debout sur un lion passant, avec un ou deux serpens dans la main gauche et un bouquet de lotus dans la droite. Là, elle est vêtue, casquée, armée de la lance, du bouclier et de la hache.

Aussi bien, les livres de Samuel et des Rois nous disent clairement qu’Astarté est une divinité étrangère adorée par les Phéniciens et par les Philistins. Quoique le nom d’Astarté, soit seule, soit associée à Baal, paraisse de bonne heure dans la Bible[1], elle n’est citée nulle part dans le Pentateuque. La déesse était pourtant connue, dès une haute antiquité, sur les côtes de la Syrie et à l’est du Jourdain, où se trouvait la ville d’Aschteroth-Karnajim, « Astarté aux deux cornes, » dont la Genèse fait mention. Un passage de Sanchoniathon nous représente en effet Astarté comme ayant une tête de taureau ou de vache. Nul doute qu’à l’origine Astarté n’ait été une déesse céleste plutôt qu’une divinité tellurique comme Aschera. En Phénicie et dans les colonies phéniciennes, les cornes d’Astarté figuraient le croissant de la lune. De là les noms de « Luna, » de « Séléné » et « d’Aphrodite céleste » que lui ont donnés les écrivains grecs et latins. C’est Salomon qui introduisit officiellement en quelque sorte le culte d’Astarté à Jérusalem, et, jusqu’à Josias, la déesse eut un temple dans cette ville. C’est elle sûrement que Jérémie appelle la « reine des cieux, » melecheth ha schmmnaim. Le prophète nous montre les enfans ramassant du bois, les pères allumant le feu et les femmes pétrissant la pâte pour faire les gâteaux du sacrifice qu’elles offraient à la déesse avec des libations et des encensemens. Qu’est-ce que les « bénédictions de la lune » que récitent encore les Israélites, du septième au seizième jour de chaque néoménie, le soir, quand la lune se lève, sinon un reste de ce vieux culte naturaliste ? On dit trois fois : « Que cela soit d’un bon présage pour nous et pour tout Israël ! » En adressant cette prière à la lune nouvelle, l’Israélite « s’élance au-devant d’elle ; » il ajoute, les yeux toujours fixés sur le croissant céleste : « Que sur mes ennemis tombent la

  1. Juges, X, 6, etc.