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1843 la comptabilité élémentaire du magasin et du chantier, destinée au contrôle purement local, n’était plus suffisante. Il fallait dresser des comptes généraux par établissement, puis un compte général pour le ministère ; il fallait disposer ces documens pour le contrôle de la cour des comptes, leur donner une forme et des proportions qui rendissent ce contrôle possible. Pour les contenir dans des limites raisonnables, on s’occupa d’abord d’empêcher une division trop étendue de la matière, de déterminer les espèces, de les classer et de restreindre le nombre des unités. Après ce premier travail, le nombre des unités était encore immense : il dépassait ce chiffre de 28,000 dans le département de la marine. Pour réduire cette multiplicité, on imagina de les grouper par grandes collections en rédigeant les nomenclatures du matériel des divers services. Tous les objets et toutes les matières y furent énumérés et rangés sous une double classification, celle de l’unité simple et celle de l’unité collective. L’unité simple, désignant les matières de même nature, de même forme et de même qualité, resta en usage dans les écritures élémentaires ; l’unité collective, comprenant plusieurs unités simples, servit à la rédaction des comptes généraux.

La composition des unités collectives se fit, autant que possible, d’après un plan rationnel. Plus d’une fois cependant on ne put obtenir de collection qu’en faisant violence à la nature des objets. Dans la marine surtout, où les matières sont plus nombreuses, on peut remarquer des assemblages bizarres. Si l’on se reporte à la nomenclature du service des approvisionnemens généraux de la flotte, à l’unité collective n° 33, intitulée ferremens, on voit confondus dans la même catégorie des toiles métalliques, des verrous, des arrêts de persiennes, des charnières, des mouvemens de sonnettes, des boucles de ceinturons, des ressorts de portes, des plaques de propreté. Dans l’unité collective n° 124, meubles et objets d’ameublement, le balai de crin est réuni à l’allonge de table, et le verre à boire est tout étonné d’appartenir à la même famille que la cheminée à la prussienne. En parcourant ces collections, on croit avoir sous les yeux ces cabinets d’antiquaires qui font le bonheur des peintres, et dans lesquels gisent pêle-mêle, à côté des cornues, les cuirasses de Milan, les mandolines espagnoles et les riches étoffes de l’Orient. Le défaut d’analogie et de ressemblance n’est pas du reste le seul vice de ces réunions d’objets. Les différences de valeur, quelquefois considérables entre les matières enfermées sous le même numéro, achèvent de justifier les critiques adressées à l’unité collective. Il suffit d’ouvrir les nomenclatures : chaque page offre un choix varié d’anomalies[1] ; aussi, avec ce système, les

  1. Sous l’unité 68, par exemple, on range à la fois la chaloupe de 13 mètres, qui vaut 3,500 francs, et le youyou de 3 mètres, qui vaut 410 francs. L’unité suivante n° 69 comprend le mât de 50 mètres, qui vaut 15,900 francs, et le mât de 10 mètres, du prix de 100 francs, etc.