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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/710

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tème d’obligations remboursables en soixante ans. Tout cela prouve que la question est mûre. L’essentiel est de ne point laisser s’égarer toute cette bonne volonté dans la confusion et dans les illusions, de régler ce mouvement de patriotisme de façon à le rendre profitable. C’est aujourd’hui le rôle de l’assemblée et du gouvernement, assiégés et pressés par l’opinion. Qu’ils s’emparent de cet élan, qu’ils le dirigent, qu’ils laissent de côté les petits moyens pour organiser le rachat du territoire par le patriotisme français. Sous quelle forme ce rachat est-il possible ? C’est la seule question à examiner. Évidemment, si abondante que puisse être une souscription volontaire, on s’exposerait à quelque mécompte en se fiant trop absolument à ce système irrégulier et incertain. Il reste l’emprunt et une contribution spéciale pour un certain nombre d’années, contribution qui ne serait en définitive que la souscription régularisée et prenant un caractère obligatoire. Peut-être même vaudrait-il mieux combiner les deux choses en faisant de la contribution spéciale un moyen d’amortissement à court terme qui faciliterait l’emprunt, permettrait une prompte libération du territoire, et laisserait dans un certain nombre d’années notre budget dégagé de toute charge extraordinaire, la France libre dans sa politique, en état de reprendre l’indépendance de son action dans le monde. De toute façon, c’est là aujourd’hui la grande et souveraine question. C’est sur ce terrain que peuvent se rencontrer l’assemblée et le gouvernement, toutes les opinions sincères, libérales, modérées, patriotiques, qui mettent l’intérêt supérieur de la France au-dessus des intérêts de partis, qui tiennent aussi à maintenir le pays en possession de lui-même, à le préserver des entreprises extrêmes de l’absolutisme bonapartiste et de l’absolutisme radical, qui veulent l’asseoir dans la paix et dans la sécurité de telle façon qu’il puisse choisir en toute liberté ses institutions, son gouvernement définitif. Les opinions modérées peuvent cela, et seules elles le peuvent.

Que peut le bonapartisme ? Il peut rester aux aguets, attendre un moment de défaillance ou de confusion avec l’espoir d’en profiter. C’est là son rôle, à lui, et il le joue de son mieux. À l’entendre depuis quelque temps, on dirait en vérité qu’il croit le souvenir de son règne effacé. il parle comme si rien ne s’était passé. Qui le croirait ? son unique préoccupation est de défendre la grandeur, la prospérité, la gloire de la France ; son seul souci est de faire la guerre à l’illégalité, à l’arbitraire, aux usurpations de l’assemblée et du gouvernement ! Il est vrai qu’il a été marqué au front d’un décret de déchéance par l’assemblée qui était apparemment une représentation du peuple ; mais qu’à cela ne tienne ! le bonapartisme ne se croit pas moins le droit de revendiquer l’empire. Que des agitateurs subalternes et intéressés sonnent la trompette du bonapartisme, soit encore ; mais ce qui est étrange, c’est qu’un homme comme M. Rouher, en se présentant aux électeurs de la Corse, croie devoir tenir le langage des polémiques bruyantes et provocantes de l’impéria-