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félicitations de leurs majestés. Ce triste chambellanisme, loin de l’écœurer, l’amusait ; il s’en acquittait à merveille, heureux de mêler ainsi le trône et l’autel, le profane et le sacré, et de ravauder ses vieux airs de danse pour en faire des sanctus et des kyrie ! Un moment, il fut question de l’envoyer s’asseoir au sénat ; mais ce projet n’eut pas de suite : espérons que, si quelqu’un ne voulut pas, ce fut lui.

Vous rencontrez journellement des gens qui s’imaginent qu’en politique un artiste ne doit point avoir d’opinion, autrement dit, qu’un poète, un peintre, un musicien, peuvent indistinctement flatter, aduler, mettre à profit tous les gouvernemens, jouir de leurs faveurs, vivre du denier de césar, approcher sa personne, après avoir fréquenté d’autres princes et longtemps émargé au budget de la monarchie et de la république.

Le véritable Amphytrion,
C’est l’Amphytrion où l’on dîne !


maxime dégradante, morale d’affranchi, non d’artiste ! La musique, sans aucun doute, n’a rien à faire avec les différentes formes de la vie d’un état ; elle ne saurait politiquement être autre chose que ce qu’elle est au simple point de vue de l’esthétique, c’est-à-dire de la bonne ou de la mauvaise musique. Il est incontestable, par exemple, qu’une musique comme celle d’Orphée aux Enfers, de la Grande-Duchesse, de Chilpéric, du Petit Faust, est un dissolvant social. Cela énerve, hébète, décompose, agit sur les esprits et sur les âmes avec les forces destructives de l’opium. En pareil cas, l’œuvre d’un gouvernement serait, non de supprimer, de suspendre, comme on faisait dans les républiques de Sparte et d’Athènes, mais d’opposer le remède au mal, l’antidote au poison. Or, contre la mauvaise musique, je ne sache guère d’antidote plus efficace que la bonne. Malheureusement il est à craindre que la confusion où nous sommes ne s’oppose à tout effort de ce genre. Loin que ce soient les mauvais musiciens qui tendent à s’élever, nous voyons au contraire les bons aspirer à descendre, et des symphonistes de renom, des compositeurs reçus jadis soit à l’Opéra-Comique, soit à l’Opéra, briguer l’honneur d’aller faire leurs preuves aux Folies-Dramatiques ! La musique peut n’avoir aucune action directe sur la politique, elle en a beaucoup sur les mœurs, et les mœurs d’un pays, nous avons assez payé pour le savoir, ont une bien grande influence sur les événemens. Chez un peuple, tout est parallélisme ; ses institutions, sa politique, ses arts, sa science, ses plaisirs, tout se tient. Racontez-moi le second empire, et je vous dirai son théâtre, sa littérature, sa musique, son architecture, dont le bouquet fut