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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/849

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l’opérette-bouffe et ses cascades, ni ce cosmopolitisme qui nous a perdus. Nous vivions chez nous et pour nous ; notre musique n’était peut-être pas la plus grande, mais elle nous appartenait. Boïeldieu, sous le coup de son insolation rossinienne, rompit avec son premier style dans la Dame blanche, musique charmante, qui en doute ? mais où la mode a mis son empreinte et qui n’a guère plus que le succès en vue ! Ce chaleureux amour de l’école qui, chez l’auteur du Chaperon rouge, du Calife et du Nouveau Seigneur, commençait un peu sur le tard à s’effacer, Hérold ne l’eut jamais, du moins en ce qui touche à ses trois chefs-d’œuvre, car sa période pré-italienne et pré-allemande a trop peu marqué pour qu’il soit permis d’en parler. Marie, Zampa, le Pré aux Clercs, sont trois délicieuses partitions, mais ne sont pas des partitions absolument françaises. Elles ont les grandes lettres de naturalisation, voilà tout, et lorsque Berlioz injurieusement appelait l’auteur de Zampa « un Weber des Batignolles, » il ne faisait qu’émettre une vérité qui n’était pas bonne à dire sur ce mauvais ton. Quant à l’heure présente, qu’on regarde autour de soi, qu’on étudie l’état de notre musique ; où l’Allemagne n’est-elle pas ?

Tous les monstres d’Égypte ont leur temple dans Rome !


Le pangermanisme musical nous déborde, infeste nos orchestres, nos pianos ; des scènes les plus infimes aux plus hautes, du Conservatoire à l’Institut, c’est à qui germanisera, judaisera ! Tandis que la médiocrité tapageuse essaie à se reprendre au radicalisme doctrinaire d’un musicien dont le nom doit être aujourd’hui chassé de toute discussion qui se respecte, d’autres se font de Schumann un messie, et les hommes corrects, arrivés, les Casimir Delavigne et les Ponsard, minaudent et se pavanent à la Mendelssohn. La musique française devient de plus en plus un être de raison, une conception historique, et semble n’exister désormais que dans les livres, comme cette Italie du vieux prince Metternich, qui ne vivait que sur les cartes de géographie. La spécialité contemporaine, c’est le goût allemand. A Dieu ne plaise que nous prétendions interdire la fréquentation du génie étranger en ce qu’il peut avoir de généreux, de nourrissant pour notre alimentation morale et intellectuelle. Personne assurément n’aurait moins que nous qualité pour venir prêcher un pareil carême. Ce que nous voudrions, c’est qu’on s’en tînt à l’appropriation technique, et que tout musicien écrivant un opéra-comique, un rondo, une étude, une romance, ne se crût point obligé de faire de la propagande allemande. C’est cependant ce qu’on fait aujourd’hui, et presque toujours sans en avoir conscience. Admirons, étudions les œuvres étrangères dans notre particulier ; mais, lorsque nous nous adressons au public, souvenons-nous plus que