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un député belge lors de la discussion qui s’est engagée, au sein de la chambre des représentans, sur l’insuffisance des moyens de transport. La plus grande portion du réseau belge étant exploitée par l’état, c’était à l’état que s’adressaient directement les critiques, et, à propos d’un accident, d’une circonstance de force majeure, l’on demandait un changement absolu de système, la démission de l’état et la cession des chemins de fer à des compagnies. De même en France. Parce que les entreprises concessionnaires ont été momentanément empêchées de faire face à toutes les demandes de wagons, l’on s’en prend au système ; les uns sollicitent l’expropriation des compagnies et la remise des chemins de fer entre les mains de l’état ; les autres imaginent des combinaisons qui porteraient l’atteinte la plus grave à l’économie générale de notre réseau, à l’organisation légale et à la constitution financière des voies ferrées. D’autres enfin, par des procédés plus ou moins directs, arriveraient à des résultats analogues. Il a suffi d’une souffrance temporaire pour donner l’idée d’une révolution. Nous sommes habitués en France à ces exagérations d’opinions et de sentimens ; elles nous ont fait beaucoup de mal en politique ; tâchons au moins d’en préserver l’administration de nos intérêts matériels.

Il y a des discussions qui, à force d’être répétées, deviennent inutiles. Telle est la question de savoir si l’état doit conserver la propriété et l’exploitation des chemins de fer, ou s’il doit traiter avec l’industrie privée, qui se charge de construire les voies ferrées et d’effectuer les transports. Tout a été dit sur les avantages et les inconvéniens respectifs des deux systèmes. Dans un pays où le réseau serait à peine commencé, le débat pourrait s’établir avec profit ; mais lorsque le réseau a déjà pris un certain développement, lorsqu’il a été dépensé des milliards, il est malaisé de changer le mode primitif. En pareille matière, chaque nation s’est déterminée d’après son génie propre, en tenant compte de ses moyens d’action, des ressources de son crédit, des proportions de l’œuvre qu’il fallait entreprendre, et en se posant cet unique problème : étant donnée la nécessité de créer des chemins de fer, quel est le procédé le plus économique, le plus prompt et le plus sûr ? En Angleterre, où l’on pouvait compter sur la hardiesse des capitaux et sur l’esprit d’entreprise, les chemins de fer ont été, dès l’origine, livrés à l’industrie privée. En Belgique, c’est l’état qui a pris l’initiative, et, sur un territoire peu étendu, en face d’une dépense assez limitée, le trésor public pouvait garder à sa charge la plus grande part de l’opération. En France, l’on a fini par adopter un système mixte qui, tout en laissant à l’industrie privée, représentée par de grandes compagnies, l’exploitation des chemins de fer, consacre l’intervention permanente et l’association financière de l’état dans la constitution du